Hors normes

Le Gyptis consacre, durant près d’un mois, son nouveau cycle aux films censurés, aux diverses interdictions qui ont frappé les œuvres jugées trop subversives et transgressives. Un sujet passionnant décliné en une vingtaine de films.

La longue histoire de la censure au cinéma, qui remonte peu ou prou à ses origines, dessine en filigrane les rapports complexes des forces au pouvoir avec l’image en mouvement. L’ordre moral a bien vite pris conscience de l’impact de masse du cinéma, et des dangers inhérents aux représentations des tabous proscrits. Jean-Luc Douin, auteur bien connu des lecteurs du Monde, y a consacré un ouvrage, Dictionnaire de la censure au cinéma (éditions PUF), certes didactique mais plutôt complet sur la question. Nombreuses furent les représentations longtemps interdites à l’écran, dans bien des pays : politiques, sexualités (sous toutes ses formes), addictions… les sujets ne manquèrent pas à tomber sous les fourches caudines des diverses lois coercitives. La censure et l’interdiction de diffusion participent en quelque sorte, et à leurs corps défendant, à cette mythologie du cinéma, dans sa fonction subversive et transgressive. Car c’est bien de cela dont il s’agit : l’image en mouvement étant par essence l’art de la transgression du réel, elle l’est tout autant pour l’ordre moral social. Le Gyptis propose ainsi, en janvier, un grand panorama en deux parties d’une poignée d’œuvres, contemporaines ou piochées dans le répertoire, qui ont secoué au fil des décennies les apologistes de la morale, et furent marquées par la censure.
L’ordre politique et social imprime particulièrement cette programmation, avec d’incontournables opus comme Le Rendez-vous des quais de Paul Carpita (que viendra présenter Jean-Pierre Daniel), La Bataille d’Alger de Gillo Pontevorvo, les plus récents Much Loved de Nabil Ayouch ou Red Rose de l’Iranienne Sepideh Farsi. La question de la représentation de la (ou des) sexualité(s) est bien évidemment prégnante dans le superbe Change pas de main de Paul Vecchiali (pour une séance présentée par l’auteur Christophe Bier), Marguerite et Julien de Valérie Donzelli ou l’excellent documentaire de Rob Epstein sur la question homosexuelle dans le cinéma hollywoodien, The Celluloid Closet. Enfin, impossible de ne pas évoquer dans un tel cycle Pier Paolo Pasolini — dont l’œuvre fut frappée du sceau de la censure —, avec deux opus incontournables : Théorème et Salo ou les 120 journées de Sodome.
Rappelons par ailleurs que l’équipe du cinéma de la Belle de Mai accueillera également, mi-décembre, l’excellent cinéaste Alain Cavalier, pour, entre autres, la projection de son dernier et très bel opus, Le Caravage.

Emmanuel Vigne

• Cycle « Interdit(s) » : du 30/12 au 26/01/2016 au cinéma Le Gyptis (136 rue Loubon 3^e).

  Rens. : 04 95 04 96 25 / www.lafriche.org

• Week-end Alain Cavalier : les 12 & 13/12.

Le programme complet du cycle « Interdit(s) » ici