La série sur le gâteau – Brothers & sisters
A moins d’être passé à côté des deux grandes séries que sont Six feet under et Les Soprano, le sériephile averti sait combien le thème de la famille — avec ses blessures, non-dits et autres drames — a envahi le champ des séries américaines depuis une dizaine d’années. Jusqu’aux plus proches Desperate Housewives (tensions sourdes et secrets enfouis), Nip/Tuck (famille dé/recomposée) ou Big love (polygamie assumée), les scénaristes hollywoodiens n’en finissent plus aujourd’hui de redessiner les contours de la cellule familiale, en l’alimentant d’une dramaturgie intarissable. Objectif aussi simple qu’exigeant, la série contemporaine a donc décidé de régler son « conte » à la famille, de lui donner un coup de pied au cul(te), en interrogeant un bonheur domestique trop opaque pour être honnête et en sondant individuellement les âmes (en peine). Vaste et joli programme que l’on retrouve dans Brothers & sisters, nouvelle série d’ABC inédite en France — mais trouvable sur le Net pour les plus débrouillards d’entre vous. Suivant une trame narrative assez classique, plus proche des tourments soap de Dynastie que ceux anxiogènes des Sopranos, B&S débute après le décès du patriarche — tout comme Six feet under ou Dirty sexy money, dans laquelle on retrouve avec bonheur Peter Krause/Nathan Fisher. Ce trépas est l’occasion pour toute la fratrie de creuser la part d’ombre de la tribu, traversée par des révélations moins soudaines que glauques. Bien construite et sans temps morts, la série, écrite par Ken Olin, producteur d’Alias, et Greg Berlanti, créateur d’Everwood, vaut aussi et surtout pour son casting impeccable, dominé par deux actrices au sommet de leur forme : Calista Flockhart et Rachel Griffiths, découvertes respectivement dans Ally McBeal et, encore et toujours, Six feet under. Aux côtés de quelques autres grands acteurs — de Sally Field, éternelle Norma Rae, à Rob Lowe d’A la Maison Blanche, en passant par Ron Rifkin, le pourri d’Alias —, les deux jeunes femmes, fortes, drôles et sexy, font de leur renaissance cathodique les cerises sur le gâteau d’une série qu’on n’abandonnera pas de si tôt, juste pour les admirer. Et ce n’est pas rien.
Henri Seard