Logement, matière de nos villes, à la Maison de l’Architecture
Plus belle la ville
Après Paris, Nasrine Seraji, architecte et directrice de l’école nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais, propose sa rétrospective Logement, matière de nos villes à la Maison de l’Architecture. Un siècle d’évolution de l’habitat, ses réalités et ses utopies.
L’idée est ambitieuse : mettre en exergue « cent réalisations qui ont nourri la pensée urbaine » dans un XXe siècle qui a connu de multiples tourments économiques, sociaux et deux guerres mondiales. Une époque de mutations qui représente une formidable opportunité pour l’urbaniste de mettre en pratique sa réflexion sur l’homme et son mode de vie. Dont acte avec le travail de recensement dans toute l’Europe réalisé par Nasrine Seraji. La mise en scène de l’exposition prend la forme d’une frise chronologique dans laquelle on chemine à la découverte de cent logements collectifs entre 1900 et 2007. Au-delà d’une écriture plastique forte, leur point commun réside dans l’envie d’élever l’homme par son habitat. Les documents d’époque (photos, plans, coupes, coupures de presse) traduisent une volonté pédagogique qui place cette rétrospective en dehors du terrain des initiés, pour celui du grand public en donnant une valeur patrimoniale. Dans cette logique, on aurait aimé qu’elle soit, à l’image de sa grande sœur parisienne, aussi complète que le catalogue édité pour l’occasion (463 pages, autant dire un livre), qui reprend la chronologie ponctuée par des faits de société marquants et des articles de fond. Pourtant, grâce à cette mise en perspective, on appréhende la porosité entre le contexte politique, économique ou social et l’urbanisme. En témoigne le type de logement en terrasse initié par Henri Sauvages en 1912, très lumineux et aéré, recouvert de carrelage blanc afin de prescrire une cure d’air et de soleil à ses occupants pour combattre la tuberculose (maladie responsable à l’époque d’un décès sur huit). Ou ce paradoxe qui voit les contraintes budgétaires à l’origine de la monotonie des ZUP construites après guerre sur le modèle économique uniforme de la barre (toujours mieux que le bidonville, il est vrai), quand pour des logements sociaux comme le Némausus à Nîmes, Jean Nouvel innove par la forme et construit un habitat en duplex, traversant, avec terrasse, sans dépasser le budget global de ce genre d’opérations. Entre les deux, la pensée de mai 68 a fait son œuvre, « rendre le logement de l’employé supérieur à celui du bourgeois grâce à l’architecture. (1) » A l’heure de l’extension du projet Euroméditerranée, cette exposition peut (doit ?) questionner le citoyen sur les projets qu’on lui propose et inviter les promoteurs à expliquer leur démarche. C’est par la pédagogie que naît l’acceptation des mutations d’une ville par ses habitants.
Damien Bœuf
Logement, matière de nos villes, jusqu’au 14/06 à la Maison de l’Architecture (12 bd Théodore Thurner, 6e). Catalogue du même nom édité aux éditions Picard.
Notes- Françoise Fromonot dans Logement , matière de nos villes[↩]