L'après-midi d'un foehn par Cie Non Nova © Jean-Luc Beaujault

Invasion Phia Ménard au TNM La Criée

L’art et la matière

 

« Non nova, sed nove ». La manière est nouvelle, pas la matière.
Phia Ménard envahit la Criée avec sa compagnie Non Nova en cette fin de mois de janvier. Au menu : du vent, de la glace et de la vapeur…

 

Jongleur devenu performeuse, Phia n’est pas née femme et s’est longtemps « travestie » avant de prendre la décision de changer de sexe. Au-delà de lui permettre de raconter son histoire personnelle, son travail sur la matière changeante et la mue des éléments lui donne la possibilité de questionner nos envies de vérité(s) et de poser la question des corps en transformation de manière plus générale.
Phia Ménard détourne le spectaculaire en lui apportant une dimension plastique. Point de cirque pour elle puisque ses pièces sont des « installations-performances ». Cette plasticité dans son travail lui permet de séduire un nouveau public à la recherche de beauté plus que d’exploits. Si ses propositions sont bourrées de prouesses, ces dernières sont élégamment camouflées par le travail. Résultat : le public se laisse absorber par la beauté de ce qui apparaît sur le plateau sans se laisser aveugler par la performance physique engagée pour la réaliser.
En s’attaquant à la matière, Phia Ménard propose un travail axé sur l’observation, la mutation et donc la lenteur. Avec Non Nova depuis 1998, elle « défend une vision d’un théâtre exigeant à “vivre”, demandant un parcours de recherches long et souvent fastidieux. Travailler avec des matériaux tels que la glace, l’air ou l’eau demande souvent des chemins d’expérimentation hasardeux et empiriques, avant d’offrir les signes d’un acte méritant sa divulgation. »
Le puzzle des éléments présenté à la Criée dans le cadre de l’Entre-deux Biennales fait partie d’un cycle de créations nommé ICE (Injonglabilité Complémentaire des Eléments). Cette aventure commence en janvier 2008, date à laquelle elle crée le spectacle P.P.P. (Position parallèle au plancher) aux Subsistances de Lyon, pièce du coming out et première du cycle des « pièces de glace ».
En octobre de la même année, elle crée la performance L’Après-midi d’un foehn, première des « pièces du vent ». Elle explique : « L’expérience des “Pièces du vent” m’a montré à quel point un petit sac plastique transformé sous les yeux des spectateurs pouvait développer un imaginaire émotionnel sans qu’aucune présence humaine ne puisse le concurrencer. » Les petites marionnettes de sac plastique de L’Après-midi d’un foehn touchent en effet aussi bien les enfants que les adultes, fascinés par leur propre fascination !
Dans Vortex (nom d’un vent), deuxième pièce du vent plus à destination des adultes, le sujet de la mue, du statut éphémère et instable des choses s’empare de la scène.
Belle d’hier, sa dernière création (juin 2015), met en scène cinq femmes rageuses qui vont tenter de faire s’évaporer sous nos yeux les mythes empreints de patriarcat… Phia Ménard nous avertit : « Ne me cherchez pas sur scène, je n’y serai pas ! »
Si vous tenez vraiment à rencontrer ce phénomène de la scène, restent les trois premiers spectacles ou, mieux, une visite privée en sa compagnie de la superbe exposition J’aime les panoramas au MuCEM…

Mariel Ag

 

  • Invasion Phia Ménard : du 26/01 au 5/02 au TNM La Criée (30 quai de Rive Neuve, 7e), dans le cadre de l’Entre-deux Biennales.
    Rens. : 04 96 17 80 00 / www.theatre-lacriee.com

  • Visite privée de l’exposition J’aime les panoramas : le 6/02 au MucEM (7 promenade Robert Laffont, 2e).
    Rens. : 04 84 35 13 13 / www.mucem.org

Pour en (sa)voir plus : www.cienonnova.com