Maradona – (Espagne – 1h35) d’Emir Kusturica avec Diego Maradona
Kusturica frime
Un premier plan en dit souvent plus long sur le programme cinématographique proposé par un film que toute autre forme de discours. Celui de Maradona est à ce titre particulièrement significatif : on y voit Kusturica, sur scène, avec son groupe (le No Smoking Orchestra). Et en effet, ici c’est moins Maradona qui importe que ce qu’il est capable de provoquer comme secousses sismiques chez le spectateur en général et chez l’auteur d’Underground en particulier. Un film ultra personnalisé en somme, à l’image de son improbable affiche où le cinéaste se substitue au footballeur et inversement, comme si de l’un à l’autre, il n’y avait qu’un pas. C’est d’ailleurs le vrai problème du film : Kusturica. Pataud, il l’a presque toujours été, mais parfois avec un certain sens de la grâce et du chaos qui finissait par emporter le morceau (dans Le Temps des Gitans ou Underground). Dans Maradona — et finalement depuis Chat noir, chat blanc — le hold-up ne fonctionne plus et se double d’une tendance irritante à la célébration naïve de son propre univers. Les images du footballeur argentin croisent donc celles de l’œuvre du Serbe, accompagnées d’un commentaire qui en souligne l’immédiate proximité. Finalement, ce qui se voulait un portrait rêvé du cinéaste en footballeur de génie n’accouche que d’un faible (mais instructif) traité sur le cinéma selon Kusturica. Rien sur le génie tragique de Diego, mais la certitude qu’Emir ne croit plus dans les moyens du cinéma. Il aligne de pitoyables infographies et surligne son propre travail de montage, sans doute persuadé que dire c’est montrer. Et si le destin tragique, c’était le sien ?
Romain Carlioz