Ave, César ! des frères Coen

Cycle «Variations sur le même thème»

Bis repetita

 

Le Gyptis ouvre le mois de mars avec un cycle atypique. Sous le titre « Variations sur le même thème », le cinéma de la Belle de Mai choisit de réfléchir à la reprise au cinéma, du remake au détournement.

 

Une vieille légende indienne qui prend sa source sur les collines de Los Angeles raconte qu’à force de remakes, un jour, Hollywood n’aura plus qu’un seul scénario et produira éternellement le même film, recyclant à l’infini son concept comme la Soylent Corp. et ses carrés de Soleil Vert. Plutôt que d’attendre les bras croisés l’avènement de la prophétie, le Gyptis a choisi, en ce mois de mars, d’étudier ce curieux phénomène cinématographique. En intitulant son cycle « Variations sur le même thème », le cinéma de la Belle de Mai utilise la métaphore musicale afin de mettre en lumière la largeur du spectre des possibilités narratives autour d’un même sujet. Car en fait, ce n’est pas la répétition à proprement parler qui intéresse ici le cinéphile, mais plutôt la capacité à produire un sens nouveau par la réappropriation esthétique d’un sujet. Il y a d’abord le remake strict, que le cycle propose d’illustrer en mettant en balance Les Nerfs à vif réalisé en 1961 par Jack Lee Thomson, film dont le souvenir a été largement effacé par sa reprise en 1992 sous la direction de Martin Scorsese et sous les traits terrifiants de Robert de Niro. Ensuite, le décalage temporel avec le remake prequel du cultissime The Thing de John Carpenter. L’original, sorti en 1981, avait été un four commercial (comme quasiment toute la filmo de Big John) et avait gagné ses galons au fil du temps. Qu’en sera-t-il des qualités de sa redite, sortie en 2011 dans un relatif anonymat elle aussi (en cela, elle se rapproche de son illustre prédécesseur) ? Enfin, la comparaison la plus excitante se joue entre les deux chefs-d’œuvre d’Antonioni et De Palma : Blow Up et Blow Out. Quand Antonioni montre l’impossibilité de l’image et par extension, du cinéma, à s’approprier le réel, De Palma lui répond quinze ans plus tard dans son style baroque halluciné que le cinéma (ici par le son et le montage) se confond en permanence avec le réel.

Mais au-delà du remake, le cycle s’intéresse aussi à la réappropriation des codes et des genres classiques. D’abord avec Quentin Tarantino et son Django Unchained, faux remake du western crépusculaire de Sergio Corbucci, qui utilise les codes et les décors du Far West pour produire, dans son style explosif, une diatribe vengeresse contre l’Amérique de l’esclavage, si peu montrée dans les westerns traditionnels. Enfin, l’–équipe du Gyptis a eu la bonne idée d’associer à la programmation le dernier-né des frères Coen, Ave, César !, rappelant que l’immense talent des deux cinéastes du Minnesota a finalement toujours été employé, avec une subtile loufoquerie irrésistible, au service des reprises et des variations des genres chers au cinéma classique hollywoodien, du film noir à la screwball comedy.

Daniel Ouannou

 

Cycle « Variations sur le même thème » : du 24/02 au 22/03 au Cinéma Le Gyptis (136 rue Loubon, 3e).
Rens. : 04 95 04 96 25 / www.lafriche.org

Le programme complet du cycle « Variations sur le même thème » ici