Les éditions Nazéroued
Vivre livre
Encore quelques jours pour répondre à l’appel, perçant, de Nazéroued, petite structure d’éditions marseillaise aux accents armoricains, qui a lancé un appel à participation (via la plate forme de crowfunding Hello Asso) pour la sortie d’un de ses nouveaux bouquins en parution, Triste Réalité. C’est l’histoire d’un punk…
Créée maintenant il y a une bonne quinzaine d’années de manière toute clandestine sur la côte bretonne par Olivier Bourdic (entre autres écrivain et collaborateur notable de la bien nommée revue marseillaise de bandes dessinées AAARG!), la nébuleuse Nazéroued a à son actif quelques opus qui s’efforcent de donner de la voix aux récits et discours atypiques. Le tout en cultivant une aura spécifique et un modus operandi particulier dans la conception comme dans la distribution des livres. Par exemple, le premier d’entre eux, L’Heure noire, cahier du temps repris, édité en 2007 et signé par Maurice Quelque Chose en Ic (énigmatique patronyme cachant en réalité notre truculent fondateur), a été imprimé en douce et de nuit sur « les rotatives nocturnes d’un imprimeur lettré. » Sans doute écoulé de manière tout aussi marginale par ledit fondateur de la maison, proclamé « champion de la vente d’ouvrage main à main dans les bars après minuit », l’ouvrage a acquis ses lettres de noblesses lors de sa réédition en 2013 (qui marque également la sortie de l’illégalité de l’association) avec son nouvel arsenal de code-barres et numéro d’ISBN. Le tumultueux Nazéroued, enfin rangé ? Toujours est-il que la maison d’éditions, également bouquinerie associative à ses heures (d’ouverture), défend jalousement son indépendance et sa différence, qu’elle définit par sa dimension populaire, sa tendance à la prise de risques et son originalité.
Ces quelques qualificatifs, presque galvaudés, peuvent traduire les difficultés à exister pour cette structure particulière. Ils peuvent également décrire le nouvel ouvrage annoncé, Triste Réalité de Robière, soit les mémoires d’un punk à l’aune de la quarantaine. C’est bien un récit autobiographique que tente de livrer Robière qui, après une jeunesse chaotique, s’est lancé a corps perdu dans ce mouvement de contre-culture. Si cette tendance est aujourd’hui bien ancrée dans les marges de notre culture, elle jouit encore d’une aura imprégnée de mystère et de préjugés de la part du grand public. Associé, à juste titre, à une forme de nihilisme profond et à l’anarchisme, le mouvement punk semble avoir été l’expression d’un mal-être profond, certainement lié au contexte socio-culturel et politique qui l’a vu naître (soit l’Angleterre rigoriste de Thatcher). Il tend aussi à exprimer, et d’autant plus aujourd’hui, quelque chose de la vacuité des modèles sociaux et, au-delà, de l’existence humaine… Une forme de désespoir et de détresse émotionnelle exacerbée qui se transforme en une rage de vivre, un hédonisme à tout prix, une volonté de vivre vite, à fond, quitte à mourir jeune. Alors que devient ce credo « Live fast, die young » au moment de cette étape si particulière qu’est le tournant de la quarantaine ? En d’autres termes, comment un être en crise perpétuelle vit-il cette autre crise universelle qu’est celle du milieu de vie ? A cette période où l’on tire des constats, l’auteur a choisi de nous faire partager son voyage introspectif en revivant, avec opiniâtreté, le chemin de son existence. Ce retour sur son parcours semble être une belle et rare occasion de découvrir un regard idiographique, brut mais sensible sur notre société, entre cheminements factuels et réflexifs. A la condition qu’on l’aide à faire entendre sa voix…
Estelle Wierzbicki
Éditions Nazéroued : 19 rue des Bergers, 6e.
Rens. : www.facebook.com/profile.php?id=100006160787198
Appel à souscription : www.helloasso.com/associations/nazeroued/collectes/-triste-realite-de-robiere-recit-nazeroued-editions