Africa Fête, au Cabaret Aléatoire
Si l’Afrique m’était Konté…
Pour ses trente ans d’existence, le festival Africa Fête renoue avec ses racines militantes et met à l’honneur le travail de son créateur, Mamadou Konté.
Mamadou m’a dit, c’est le nom d’une célèbre chanson de François Béranger qui mettait un peu d’exotisme dans le paysage musical français des 70’s. C’est aussi le nom d’un livre sorti récemment (1) qui retrace l’itinéraire singulier de Mamadou Konté. Originaire du Mali, naturalisé sénégalais, Mamadou Konté est arrivé en France en 1965. Illettré, il travaille comme manœuvre et s’implique dès 1968 dans une lutte pour l’amélioration des conditions des travailleurs immigrés. Il se lie aux militants d’extrême gauche, qui lui apprennent à lire (de gauche à droite…), et mène les grèves de loyer dans les foyers de travailleurs en 1969. Très actif sous le pseudonyme de « Matthieu », il va être l’un des premiers à élargir les préoccupations franco-françaises de 68 à la nouvelle donne d’un sous-prolétariat immigré. Une devise est née : « Travailleurs Français Immigrés, même patron, même combat ! ». En réaction au projet giscardien d’aide au retour (du sarkozisme avant l’heure !), il crée l’association d’aide au retour des travailleurs africains afin de préparer intelligemment le retour au pays de ceux qui le désirent. Le principal vecteur sera culturel. Il contacte en 1976 le chanteur français François Béranger, et de cette rencontre naît le premier concert qu’il organisera. C’est l’ébauche du festival Africa Fête qui prend son essor en 1978, et Mamadou Konté devient dès lors l’ambassadeur mondial des musiques africaines, en guidant notamment la carrière d’artistes aussi fondateurs que Salif Keita. La reconnaissance institutionnelle ayant toujours beaucoup de retard sur la réalité artistique, c’est en 1992 qu’il sera élevé au rang de Chevalier des Arts et des Lettres, distinction honorifique presque amusante pour celui qui est arrivé sur le sol français sans savoir lire ni écrire… En 2008, un an après la disparition de Mamadou Konté, Africa Fête demeure un festival incontournable pour tous ceux qui s’intéressent à la création africaine et à sa diffusion, proposant deux fois par an – en décembre à Dakar et en juin à Marseille – un espace convivial mêlant la réflexion et le festif. Au programme cette année, deux soirées très prometteuses : la première consacrée aux musiques urbaines de Marseille, Dakar et Rio, et une seconde se voulant le reflet de la vitalité des scènes reggae/dub de Bamako, Paris, Conakry et Mayotte. Autre atout du festival : sa politique tarifaire (2) dont devraient s’inspirer bien d’autres événements. Décidemment : l’Afrique, c’est chic !
nas/im
(1) Mamadou m’a dit, de Gilles de Staal (Syllepse), ami intime de Mamadou Konté et fondateur de l’hebdomadaire Politis.
(2) 10 euros le pass pour les deux soirs
Africa Fête, les 27 et 28 au Cabaret Aléatoire
www.africafete.com
Le 27 de 20h à 2h : Imhotep, Dj rebel, Duggy Tee, Mr Catra, Negrissim’, Dj Sandrinho
Le 28 de 20h à 2h : Manjul, Takana Zion, Diho, Toko Blaze (et dès 13h30 : débat, défilé, graff…)