Et si les super-héros… à la Bibliothèque départementale Gaston Defferre
La super expo
Les masques tombent à la Bibliothèque départementale, qui dévoile plus d’une centaine d’œuvres consacrées aux figures mythologiques postmodernes que sont les super-héros. Geeks adulescents, passionnés de comics et toqués de pop culture sont intimement conviés.
Début du troisième millénaire, les super-héros sont déprimés. Le mythe forgé à l’orée de la Seconde Guerre mondiale alors que la société américaine se prépare à la guerre (Superman est né en 1938) a perdu de sa superbe. Du côté des éditeurs de comics, on tente d’ancrer ces personnages dans la nouvelle époque : Thor, le dieu scandinave du tonnerre, est désormais une héroïne, et Green Lantern a fait son coming out. Au cinéma, le premier opus des Gardiens de la Galaxie poursuit le travail de déconstruction du mythe amorcé par moult blockbusters. La centaine d’œuvres déployées sur les murs de la Bibliothèque attestent que cette double entreprise de démystification/réappropriation a de beaux jours devant elle.
L’exposition s’articule autour du travail de six photographes qui ont fait de ces personnages emblématiques de la pop culture l’élément central de leur réflexion. En écho, les dessins, planches de bande dessinée et peintures réalisés par dix artistes sur la thématique du surhomme. Super Flemish, le projet titanesque de Sacha Goldberger auquel plus de soixante-dix personnes ont collaboré, plonge justiciers, mutants et autres aliens dans l’univers de la peinture flamande du XVIe siècle. Lasses de devoir sauver la planète, Wonder Woman et consorts prennent la pose, une fraise autour du cou. Entre peinture et photographie, l’œil hésite. D’autres manipulent l’image photographique en superposant la réalité historique avec les actions des super-héros, pour retracer une histoire familiale (les frères Marvellini) ou réécrire l’histoire, comme Agan Harahap. On retrouve ainsi Dark Vador incrusté dans le célébré cliché qui marque la fin de la conférence de Yalta en 1945. Résultat : un voyage en uchronie des plus décapants.
Pour Dulce Pinzón, Benjamin Béchet et Pierre-Elie de Pibrac, le postulat est différent : et si, au fond, le véritable super-héros était l’homme du XXIe siècle ? Les images présentées nous interrogent sur notre rapport à l’autre. La Mexicaine Pinzón s’est penchée sur les Latinos, une communauté qui trime dur pour envoyer chaque mois un petit pécule au pays. Elle signe une belle série de portraits de héros ordinaires s’affairant à leurs tâches quotidiennes (Spiderman en laveur de vitres, Hulk en livreur…), harnachés dans des costumes bariolés. De Pibrac est parti, lui, à la recherche des super-héros de la vraie vie, un phénomène de plus en plus répandu aux Etats-Unis. Des citoyens ordinaires endossent justaucorps et cagoules pour venir en aide à leurs semblables victimes de la misère, de la maladie ou de la criminalité… Et si nous devenions tous des super-héros ?
Emma Zucchi
Et si les super-héros… : jusqu’au 4/06 à la Bibliothèque départementale Gaston Defferre (18-20 rue Mirès, 3e).
Rens. : 04 13 31 82 00 / www.biblio13.fr