La série sur le gâteau – Maguy
Je vois souvent rouge, avec moi ça bouge, quand mon cœur s’enflamme, je joue toute la gamme, oh, je fais ma météo, chez moi il y fait toujours beau… Je suis, je suis, je suis ? Pas Véronique Sanson, ni Evelyne Dhéliat, mais bel et bien Maguy, l’héroïne de la sitcom éponyme qui berça (trop près du mur) nos après-midi dominicaux sur Antenne 2 au mitan des années 80. Série culte s’il en est, qui enthousiasma de février 1985 à mai 1991 les téléspectateurs français de 7 à 77 ans — j’en veux pour preuve notre jeune et délicieuse stagiaire graphiste qui connaît sur le bout des doigts le thème de la série alors qu’elle n’était même pas née le jour de la diffusion du premier épisode —, Maguy avait ceci de particulier qu’elle fut la toute première série en France à être enregistrée en public, façon Au théâtre ce soir, sans les costumes de Donald Cardwell. En effet, calquée sur le modèle US en vigueur depuis 1951 et la diffusion du show I love Lucy, la série créée par Jean-Guy Gingembre (reconnu pour être dur en affaires) et Stéphane Barbier (qui était un poil plus souple) redessina alors les contours d’une fiction à la française poussiéreuse, muséifiée par l’ORTF, en « américanisant » la forme : unité de lieu, intrigues domestiques et participation du public — qui fut prié au bout d’une saison de retourner en maison de retraite. Vraisemblablement au détriment du fond, puisque, 333 épisodes et vingt-trois ans après, on ne sait toujours pas de quoi parlait Maguy ou ce qui s’y passait. On se souvient seulement — remercions Freud et sa théorie de la mémoire sélective —, du jeu tout en retenue de Rosy Varte, du charisme passif de Jean-Marc Thibault et des envolées verbales de Marthe Villalonga — et ses inoubliables « Ma Maguy ». Aussi opaques que la puissance comique de Shirley et Dino, les intrigues autour d’une quinquagénaire femme au foyer hystérique qui entraînait sans cesse son électricien de mari dans des aventures rocambolesques, sans jamais sortir de chez eux, semblaient illustrer le leitmotiv du pouvoir politique alors en place : « la force tranquille ». Mais Maguy, c’était aussi un feu d’artifice d’invités prestigieux. Chaque dimanche, pour le plus grand plaisir de nos grands-parents qui, déjà au taquet d’avoir passé l’après-midi avec Jacques Martin, manquaient d’avaler leurs dentiers de bonheur lorsque surgissaient dans l’appartement Jacky Sardou, Marcel Amont, Jacques Chazot, Michel Galabru, Garcimore, Enrico Macias, Francis Perrin, Nicolas Peyrac, Pascal Sevran ou Jean-Marie Bigard — notons que tous ces guest sont morts ou soutiennent Sarkozy, flippant… Bref, qu’on l’aime ou pas, Maguy, la première sitcom française digne de ce nom, bâtie sur du vide, rien, nada, niet, nichts — fabuleux concept que reprendra dix ans plus tard Jerry Seinfeld avec plus de succès — restera surtout, n’ayons pas peur des mots, comme le premier docu-fiction sur les ravages de la ménopause. Saluons la mission pédagogique jamais prise à défaut du service public. Pour la gaudriole, on (se) repassera (l’intégrale des 400 coups de Virgnie).
Henri Seard