Dan Druf

Portrait | Dan Druf

Cure de jouvence

 

The Only Treasure Is Youth, second album de Dan Druf, ne ment pas sur son programme. Il y est question de jeunesse d’âme, de jeunesse de cœur, de ces expériences heureuses et épreuves malheureuses qui nous tiennent en vie. Tout en nous donnant envie de danser en scrutant nos chaussures.

 

Les années 80 ont ceci de spécial qu’elles ont soufflé le chaud et le froid : elles nous ont souvent agressés visuellement et musicalement, tout en se montrant hautement inspirantes pour les générations futures. Une décennie à double facette, de laquelle ont émergé certains mouvements et artistes de référence, dont la scène musicale locale s’est emparée avec brio ces dernières années. Tandis qu’Aline escaladait dès son premier album la montagne The Smiths avec réussite, voici que le Toulonnais connu sous le pseudonyme de Dan Druf transforme également l’essai en prenant à son compte une décennie de shoegazing et de cold wave assimilés à la perfection, dont il tire une musique qui réussit à tenir parfaitement en équilibre entre hommage à ses aînés et apposition de sa patte.
Son second album, The Only Treasure Is Youth, a vu le jour chez les méritants et raffinés Toolong Records (signataire des groupes Boreal Wood et El Botcho, le leader de ce dernier n’étant autre que le patron du label). Un concentré de belles choses en dix titres, composé de ballades planantes, d’une basse proéminente et d’un clavier discret, qui résonnent en cadence derrière un mur du son éveillant les sens tandis qu’une boîte à rythme donne le “la” à l’ensemble. Les eighties se font sentir dans la sonorité des morceaux : la voix et la basse en avant, les guitares omniprésentes mais légèrement mixées en retrait pour ne pas étouffer l’auditeur, une rythmique puissante qui incite autant à l’introspection qu’à la danse. Le disque est porté par le chant du seul capitaine du navire, dont les intonations ne manqueront pas de surprendre les fans de Robert Smith. Nous aurions aimé éviter le jeu des références faciles mais, vocalement, le spectre du maître plane de fort belle manière sur l’œuvre (tout particulièrement sur The Yellow Cove, Mind The Rut ou Crystals), tandis que l’hommage frontal à The Cure dans une reprise de Pictures Of You s’avère une réinterprétation fine du mythe, dans un duo masculin / féminin aérien comme The Postal Service savait le faire.
Le seul capitaine du navire, disions-nous, car le Toulonnais Franck Devittori tient la barre de Dan Druf, bien que rejoint par quatre amis sur scène. Le quadragénaire autodidacte a appris les rudiments de la guitare sur le tard, à l’âge de vingt ans, avant de rouler sa bosse dans de multiples formations de Toulon au fil des années, acquérant de l’expérience mais également l’envie de composer sa propre musique en toute quiétude, loin de l’agitation d’un groupe. L’histoire est classique : de l’achat d’un huit pistes numérique a découlé en 2011 l’enregistrement d’un premier LP auto-produit, titré December Brings The Autumn Dusk (jadis chroniqué dans ces colonnes). Une compilation de morceaux plus ou moins anciens, bourrée de bonnes intentions et d’une réelle promesse, mais qui souffrait des limitations matérielles d’alors de son géniteur.
Les années passant, l’artiste a pu acquérir de bien meilleurs outils et instruments en vue de l’enregistrement et de la production de son nouvel album, dont il s’est à nouveau chargé de l’intégralité des prises instrumentales et vocales dans son home studio, assurant également le mixage. En plus d’être libéré des obligations logistiques et promotionnelles par son label, il s’est vu offrir l’accès à un mastering digne de ce nom, comme en atteste la valeur sonore de son nouvel opus. Matériel de qualité et progrès technologique aidant, le résultat est désormais pleinement satisfaisant, et nous rappelle les bienfaits de l’époque pour tous ces musiciens qui n’ont pas forcément accès au confort d’un studio professionnel et ne veulent pas lésiner sur la qualité.
Un album de pop étant bien plus qu’une question de technique, le bilingue amateur de beaux mots Dan Druf (qui cite pêle-mêle Nick Hornby, Will Self, Françoise Sagan ou encore Michel Houellebecq parmi ses lectures) distille ses obsessions, ses doutes et ses espoirs dans les neuf compositions qui l’habitent. Il nous rappelle l’importance des plaisirs simples de l’existence (Sell My Heart), nous renvoie à la beauté ravageuse et à l’éternité des sentiments (Spiritual Love), évoque l’urgence de s’émanciper du quotidien qui nous étreint (Mind The Rut). Il chante l’allégresse qui s’empare de nous quand certaines sensations se rappellent à notre bon souvenir (Lust For Light) ou bien le malheur des illusions perdues (Crystals). Il évoque avec sincérité des sujets qui nous touchent, ces questions intimes universellement partagées qui éveillent notre empathie dès la première écoute. Et, malgré les tiraillements qu’elle provoquera chez certains d’entre nous, sa musique parvient à nous faire taper du pied en cadence, signe d’une alchimie parfaite entre le corps et l’esprit, comme une jeunesse retrouvée. A moins qu’elle ne nous quitte jamais vraiment ?

Sébastien Valencia

 

Le 8/04 au Zénith Oméga (boulevard du Commandant Nicolas, Toulon), avec Gang of Peafowl et Pinknocolor.
Rens. : 04 94 22 66 77 / www.tandem83.com/

Dans les bacs : The Only Treasure is Youth (Toolong Records)