Usthiax le 20 au Théâtre de Lenche
Les mots bleus
Deux premiers albums autoproduits, dont le très prometteur Ecrire à l’envers, nous avaient mis la puce à l’oreille. Bleu palpitant, troisième essai (transformé) d’Usthiax, confirme enfin tout le bien qu’on pensait du bonhomme. Et réussit les noces entre les mots de Manset et les maux d’Elliot Smith, la chanson française et l’americana.
A priori, Usthiax — Mathias pour les intimes — fait partie de ces gars que l’on aime détester : belle gueule (pfft…), carrure impeccable (arrgh…) et guitare en bandoulière (grrrr…) qui fait tomber toutes les filles. Oui, Usthiax appartient à ce club très fermé des types à qui l’on rêve de casser la gueule, histoire de lui faire payer moult années de frustrations sentimentales en forme de voyages scolaires finissant toujours en eau de boudin à cause du playboy de service qui ravissait toujours le cœur de la craquante Laëtitia, celle-là même avec qui nous projetions d’échanger Dragibus et salive. Mais Usthiax n’est pas comme ça, hein, dis ? « Le plan drague avec une guitare est vieux comme le monde, mais je n’ai pas appris cet instrument pour sortir avec les filles, même si ça aide parfois… En fait, c’est venu de mon père. Aussi loin que je me souvienne, il y avait chez nous des instruments et des disques un peu partout, mon père jouait souvent de la gratte, ça s’est fait naturellement. A l’époque, j’écoutais Iron Maiden, je voulais reprendre leurs morceaux. Ce que j’ai fait, de manière totalement autodidacte. » Acculé dans les cordes dès l’âge de neuf ans, le jeune Usthiax lâche très vite celles du « délicat » combo anglais pour écrire ses premières compos et rejoindre son tout premier groupe, celui de son batteur de frère : « Je n’aimais pas reprendre la musique des uns et des autres, ça me gonflait, j’ai très vite appris à écrire et à composer mes propres trucs… J’ai commencé à douze ans à l’époque, j’en ai trente aujourd’hui, je n’ai jamais arrêté. »
Conte de faits
La trentaine pas encore glorieuse, Usthiax sait pourtant, avec son Bleu palpitant, que le talent ne l’a pas mis en quarantaine, aidé en cela par de prestigieux parrains. « En 2001, je suis revenu vivre à Marseille, après avoir terminé mon cursus universitaire au Québec. C’est là que j’ai commencé à écrire les morceaux qui allaient nourrir mes deux premiers albums. » Le deuxième, Ecrire à l’envers, sorti en 2005, se voit « écouter et approuver » par, excusez du peu, CharlElie Couture. « Deux ans plus tôt, j’avais balancé des MP3 à des gens que j’aimais. CharlElie a été le premier à me rappeler. On s’est rencontrés sur Paris dans la foulée et à partir de là, il a commencé à m’aider, me supporter, me conseiller. Ça a été le déclic. Mon travail prenait enfin un sens. » Le bon, puisque de conseils en collaborations — Usthiax taille un costard sur mesure à Couture sur son album Double vue et assure ses premières parties —, son mentor lorrain à barbichette invite le label Bonsaï Music à se pencher sur son poulain. Ledit label mise sur le bon cheval, signe Usthiax et lui propose d’établir une liste d’artistes français dans laquelle Bonsaï choisira le directeur artistique du futur opus : « J’avais cité sans trop y croire Higelin, Dominique A, Bashung, Rodolphe Burger… ». Né officiellement sous une bonne étoile, ce Chasseur d’ourse apprend que l’ex-leader de Kat Onoma, excusez encore du peu, accepte de superviser Bleu palpitant. « C’est un grand monsieur, un musicien incroyable, j’ai eu beaucoup de chance. Il a beaucoup d’expérience, de recul, de classe, il m’a aidé à y voir plus clair, à mettre en son l’album. Sur lequel il m’a fait l’honneur de jouer de la guitare. Comme un malade ! »
Un parfum de liberté…
Un album que l’ami Usthiax défendra dans quelques jours, sans Burger mais avec plein de guitares, sur les planches du Théâtre de Lenche, en formation quatuor. L’occasion pour cet éternel insatisfait de relire — ou de recreuser le sillon — de certains morceaux, au gré de l’humeur du jour ou de l’envie du moment. Aussi, lorsqu’on lui dit qu’on aurait aimé le voir sur scène quelques jours plus tard dans le cadre de Marsatac, qui continue de loucher vers les dancefloor d’en haut et d’ignorer la scène folk d’en bas, Usthiax « s’en fiche », ne se voyant pas jouer entre deux tentes, devant 2000 personnes venues danser toute la nuit. Foin de paillettes, de bières au prix exorbitant et d’acoustique façon mistral, le bonhomme préférera toujours un bon bœuf avec un pote dans une cave aux soirées mondaines avec des caves. Ça tombe bien, Usthiax s’est trouvé un complice ad hoc, un compagnon de gratte, une émulation exigeante, en la personne du talentueux Mathieu Poulain, plus connu sous le nom de Oh ! Tiger Mountain. « J’ai beaucoup de respect pour Mathieu, le mec, le musicien. J’avais pris déjà une grosse claque avec Nation All Dust, Oh ! Tiger a fini de m’achever. » Ce rapprochement musical et humain, orchestré par Thierry Calvier, le boss érudit du label Sous nos ailes, portera bientôt ses fruits. Accompagnés du batteur suédois David Lillkvist et de François Agati (Nascimiento) au violon, nos deux talentueux lascars, réunis sous le nom de code Drakkar Initiative — sorte de laboratoire musical et réflexif autour de la pop européenne —, devraient bientôt révéler leurs premières compos, aux premiers échos plus que flatteurs. Avant, soyons fous, de retrouver un jour ces vikings de la pop en première partie de Pearl Jam, suite à une sombre, mais lumineuse, histoire de recettes de pâtes au thon échangée entre Seattle et Marseille. Mais ceci est une autre histoire que je vous raconterai plus tard. Car, a posteriori, Usthiax fera toujours partie de ces gars que l’on aime détester. Et raconter.
Henri Seard
En concert le 20 au Théâtre de Lenche (et en show case la veille à la Fnac Centre Bourse).
Dans les bacs : Bleu palpitant (Bonsaï Musique/EMI)