Les dents de l’amer

Alors que s’enchaînent les rapports scientifiques alarmistes sur la pollution de nos océans par les déchets plastiques, Expédition MED, ONG écolo et scientifique française, vient de lancer une pétition européenne pour tenter de juguler cette hémorragie qui menace nos rivières, mers et océans. Explications.

L’objectif est ambitieux, mais la démarche est nécessaire pour préserver le milieu marin et sa faune, ainsi que les ressources économiques qui sont conditionnées au bon état écologique des mers. Si vous êtes sur Instagram et avez une fibre écolo, vous avez certainement entendu parler d’Edmund Platt, ce satané Anglais qui s’est mis en tête d’inciter chacun, Marseillais en tête, à ramasser un déchet par jour en se prenant en photo et en partageant le cliché sur les réseaux sociaux avec le hashtag #onepieceofrubbish ou #undechetparjour. Depuis, on l’a vu organiser des nettoyages collectifs de la Canebière ou encore de la Gare Saint Charles avec un succès grandissant. Avec ce marketing viral au service de la lutte contre les déchets, il a su rendre sexy une cause peu ragoutante et pourtant centrale aujourd’hui. Car à Marseille, comme dans n’importe quelle commune de France, les habitants, les entreprises et les collectivités génèrent une énorme quantité de déchets qui, malheureusement, terminent dans la mer à raison de 412 Kg par seconde à l’échelle du globe. Beaucoup de choses sont à changer, dans le comportement de chacun bien sûr, mais aussi dans la loi et en particulier dans le cadre règlementaire européen. Car aujourd’hui, les déchets plastiques ne font pas l’objet d’une loi européenne spécifique alors même qu’ils représentent 80 % des déchets en mer. Parmi les premières ONG à avoir tiré la sonnette d’alarme sur cette pollution en réalisant la première quantification des micro-déchets plastiques en Méditerranée dès 2010, Expédition MED (Méditerranée En Danger) propose quatorze mesures concrètes visant à réduire la quantité de déchets à la source, en encadrant spécifiquement la matière plastique afin de limiter son usage, favoriser sa réutilisation et son recyclage dans la logique de l’économie circulaire tout en privilégiant les bioplastiques biosourcés. Ayant toujours placé le citoyen au cœur de sa démarche, Expédition MED a choisi d’utiliser un outil de démocratie participative européen, l’Initiative Citoyenne Européenne. Si un million de citoyens issus de pays représentatifs de l’UE votent en faveur de cette démarche intitulée « Stop plastic in the sea », la Commission Européenne devra la prendre en compte et éventuellement lui donner une suite règlementaire.
Pour atteindre cet objectif ambitieux, cette petite association a obtenu le soutien de personnalités prestigieuses et engagées, à commencer par Luc Besson, qui a autorisé un des anciens élèves de sa Cité du Cinéma, José Eon, à revisiter Le Grand Bleu à la sauce plastique de 2016. Ces courts métrages à la manière de La Classe Américaine ou encore de Mozinor visent à sensibiliser le public à un sujet grave tout en optant pour l’humour, afin de rendre son message plus efficace, et moins culpabilisant. De Paul Watson à Pascal Canfin, en passant par Pierre Rabhi, Béa Johnson, Tristan Lecomte ou encore Allain Bougrain-Dubourg, de nombreuses personnalités de l’écologie, des médias, ou encore du monde de la mer soutiennent cette pétition et se sont prêtées à une série de portraits originaux proposés par le photographe Cyril Abad (Hans Lucas). Dans une référence aux maîtres hollandais du XVI^e, il fixe la dignité de ces sujets pris au piège de déchets plastiques incongrus, comme dans un hommage au million d’oiseaux et aux cent mille animaux marins tués chaque année par nos déchets…

Emmanuel Raoul

Rens. : www.expeditionmed.eu