Retour aux sources
C’est l’âge de la majorité pour Marsatac, qui se lance dans sa dix-huitième édition, et retourne fourrer ses pattes dans le clan hip-hop qui l’a vu naître.
A l’origine, l’association Orane et ses membres fondateurs — Béatrice Desgranges, Dro Kilndjian et Laurence Chansigaud —, revenus de Londres avec une féroce envie de contaminer Marseille, mettent bas en 1999, du Marsatac Connexion Festival grâce au soutien du milieu hip-hop phocéen (IAM, la Fonky Family…). Les deux soirs de concerts et d’open mic à soixante francs l’entrée au Café et à l’Espace Julien arrachent un franc succès qui permettra à l’asso de continuer sur cette lancée.
Les éditions s’enchaînent, en croisant ragga, drum’n’bass, électro, afrobeat et rock. Le “Connexion” de l’appellation originelle s’éclipse, et les grands noms des différentes scènes internationales viennent poser leur empreinte sur les affiches : Dj Vadim, The Divine Comedy, The Herbalizer, Roots Manuva, Amon Tobin, Talib Kweli…
Or, si la fréquentation a suivi, pendant longtemps, une courbe toujours ascendante, le problème majeur de Marsatac demeure son nomadisme. En effet, durant tous ces épisodes, le festival ne trouve pas de lieu où planter durablement ses griffes. Tantôt à l’Espace Julien, au Dock des Suds, sur l’esplanade du J4 et même sur l’île du Frioul… En 2012 et 2013, il se dédouble et fait du dog-sitting à Nîmes, en plus de Marseille. Marsatac promène ses babines et finit par se lover à la Friche Belle de Mai, où il semble avoir marqué son territoire.
La programmation de cette année, éclectique et pleine d’une portée d’exclusivités et de lives inédits en France, marque un retour aux instincts des premiers jours avec une soirée du 23 septembre placée sous le signe du hip-hop et de la bass music. Odezenne et leur rap électronique facétieux ouvriront le bal à la Cartonnerie. Chinese Man, stars locales et interplanétaires qu’on ne présente plus, viendront présenter leur nouvelle collaboration avec le MC sud-africain Tumi et le Londonien Bordelais Youthstar pour un set léché dont ils ont le secret. Inédit en Europe, Ghostface Killah et Raekwon du Wu-Tang Clan déballeront leur live Only Built 4 Cuban Linx seulement pour Marsatac, où ils nous feront réviser leurs classiques pour le plus grand frétillement des amateurs d’hip-hop old school. Leurs confrères de la Côte Ouest, les Flatbush Zombies, prendront délicatement la relève avec un hip-hop mélodieux et fringant. Beaucoup de Britanniques seront également sur la piste pour défendre des tendances musicales actuelles que sont en plus du hip-hop, la trap, le grime, le UK garage et la UK house : la talentueuse productrice Flava D clôturera la Cartonnerie, Lady Leshurr et Little Simz (encensée par André 3000 et Kendrick Lamar) feront vibrer le Club avec la Suédoise Gnucci, tandis que le jeune prodige au flow assassin Ocean Wisdom (aussi made in UK) dépècera la scène du Cabaret en compagnie des Frenchies Perfect Hand Crew, Killason (autre prodige tueur à la fois danseur, rappeur et beatmaker), Jazzy Bazz et de la Danoise Alo Wala. Sans oublier, fidélité oblige, le parrain des premières heures : DJ Djel de la Fonky Family, qui promet de ne pas venir seul.
Le lendemain, les beats passent en mode binaire : la fièvre du samedi soir sera résolument due à un virus électronique. Le loup de Tasmanie français, Thylacine, jouera à deux reprises son electronica enivrante et sauvage à la Cartonnerie. Les dissonants canadiens de MSTKRFT, qui reviennent en France après une longue absence, seront aussi de la partie, suivis de leur illustre et colossal compatriote Richie Hawtin, ainsi que du duo récemment formé par Agoria et l’Américaine Louisahhh. L’ambiance sera plus pop et éthérée au Cabaret, avec les spectraux Ghost of Christmas (Martin Mey et Gaël Blondeau) et le toujours élégant French 79 (Simon Henner, des groupes Nasser et Husbands), qui ont déjà pas mal écumé les festivals régionaux, ainsi que la chanson française mâtinée d’électro pop de Flavien Berger — qui jouera en fait deux samedis d’affilée au Cabaret puisqu’il y sera encore la semaine d’après, dans le cadre du festival ActOral. Au Club, la montée se fera doucement mais sûrement : après une première partie toute en finesse et en poésie délivrée par les Aixoises d’Andromakers, l’Anglais George Fitzgerald prendra le relais avec une électro house synthétique avant de laisser la place aux plus organiques Mind Against venus d’Italie, et à la techno martiale de l’Allemand Chris Liebing.
Grâce à ce menu alléchant, on veut bien reconnaître la domination de Marsatac en tant que loup alpha sur le reste de la meute des festivals du même créneau de la région.
Barbara Chossis
Festival Marsatac : les 23 & 24/09 à la Friche La Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).
Rens. : www.marsatac.com
Le programme complet du festival Marsatac et des soirées associées ici