La série sur le gâteau – How I met your mother
Tandis que les séries contemporaines rivalisent d’originalité (Desperate housewives), de complexité (Lost), d’invention plastique (Heroes), de crudité (24) ou de sensualité (The L word), il est un genre — ou une espèce en voie de disparition —, la sitcom, qui continue de pleurer la fin de Seinfeld (1998) et Friends (2004), incapable de se renouveler. Rares séries développées lors de la dernière décennie à remplir le cahier des charges drolatiques, Curb your enthusiasm, Entourage ou Arrested development ont démoli le modèle obsolète et théâtral du champ/contrechamp et rires en boîte, fond de commerce de la télé US depuis 1951 et I love Lucy. Dans ce contexte, l’éclosion d’une sitcom à la forme traditionnelle, pour ne pas dire « ringarde », comme How I met your mother, tient du miracle. Lancée en 2005, How I met… et sa bande de New-Yorkais trentenaires hystériques, chasse sur les terres de Friends — un loft, un bar, des histoires d’amour et d’amitiés contrariées, des vannes incroyables —, mais pas que. En effet, si l’on y retrouve, vue d’en haut, l’éternelle recette à base de fixité des décors conjuguée à la folie définitive des personnages, la sitcom déjantée de Craig Thomas et Carter Bays fait, dans les détails, la nique à la (famélique) concurrence. Construite à partir d’un immense flash-back — la série débute en 2030 où un père de famille raconte, en voix off, à ses deux enfants comment, dans les années 2000, il rencontra leur mère —, How I met… s’amuse, et nous avec, à jouer avec d’autres sauts spatio-temporels à l’intérieur même des épisodes se déroulant présentement. Syncopé, alambiqué, mais très lisible, ce sens du récit est servi par un casting impeccable duquel Neil Patrick Harris ressort vainqueur par K.O. En incarnant Barney, le pote célibataire, queutard, friqué et langue de vipère, coincé entre deux couples à la poursuite du bonheur conjugal, Harris crève l’écran à chaque apparition, faisant feu de tout bois en cinquième roue du carrosse, toujours prêt à pourrir, vannes « légendaires » à l’appui, le quotidien de ses amis. Et vole la vedette à Ted, le « héromantique » à la recherche de la mère de ses enfants, à Robin, la petite amie bombasse en sursis, Lily, la copine de fac transparente, amoureuse comme au premier jour de Marshall, le nounours de la bande, incarné par l’immense Jason Segel (énorme dans Sans Sarah, rien ne va). Côté public, après deux saisons ronronnantes, la série a vu cette année son audience décoller via une saison 3 d’une drôlerie absolue et une pluie de people — Adriana Lima, Heidi Klum, Britney Spears, Sarah Chalke — parmi laquelle, dit-on, se cachait la mystérieuse « mother ». Mais qu’importe la maman, pourvu qu’on ait, encore longtemps, l’ivresse de cette sitcom définitivement attachante.
Henri Seard