Les Bureaux de Dieu – (France/Belgique – 2h02) de Claire Simon avec Nathalie Baye, Nicole Garcia, Béatrice Dalle…
Immaculée contraception
On ne saurait trop dire combien le cinéma de Claire Simon sait être bouillonnant de vérité à partir de minuscules dispositifs filmiques. Que l’on songe au superbe Récréations, où une cour de récré devenait un petit théâtre d’humiliation singeant l’univers des « grands », ou à Sinon Oui, la cinéaste a su, chaque fois, saisir avec justesse et précision l’écheveau de répercussions sociales et humaines qui naissent d’un micro-évènement. Or, à la vision de ces Bureaux de Dieu, la première chose qui frappe, c’est justement un manque de précision et de clarté dans la forme qui faisait la beauté de ces précédents travaux. Circonscrit au cadre fermé d’un bureau du planning familial et porté par une pléiade d’actrices et d’acteurs (trop, peut-être), le film semble parfois patauger à force de ne pas choisir entre toutes les pistes qui s’offrent à lui. Didactique (une scène d’entretien/une scène au café et ainsi de suite), la réalisatrice déroule un fil presque trop étroit pour elle et se perd dans des entretiens en plans-séquences où elle ne sait plus trop quoi (ou qui) filmer. Pourtant, malgré ses doutes et ses errements, quelque chose se passe, qui nous tient en haleine, qui est de l’ordre du cinéma et qui se loge dans l’habile dispositif choisi par Claire Simon. Pendant plusieurs années, elle a recueilli des témoignages de femmes au planning familial. Elle a ensuite recréé ces face-à-face avec une actrice pro et une amatrice, sans qu’elles ne se soient jamais rencontrées. En résultent de vrais moments de douceur (une prostituée) ou de violence burlesque (une fille terrifiée par son propre corps) dans lesquels Les Bureaux de Dieu colle de près et avec pudeur à son (beau) sujet : les femmes, dans les plaisirs et les tourments de leur corps.
Romain Carlioz