Le coffre à jouer
Je diffuse des œuvres à Marseille dans le domaine de l’image via des ateliers et des expositions. J’accorde une attention particulière à la sensibilisation des plus jeunes, et mon bébé, Laterna Magica, va renaître en décembre. Je suis, je suis…
« Lorsque l’on parle d’un film avec des amis, que l’on a envie de leur communiquer le plaisir ou l’émotion ressentis devant l’écran, il se peut aussi que la musique soit abordée dans la discussion, et que la conversation dérive sur un tableau, ou une pièce de théâtre. Ce plaisir à communiquer nos propres émotions de spectateur s’affranchit ainsi des catégories dans lesquelles nous serions tenus d’intervenir. » Ainsi nous éclaire Vincent Tuset-Anrès, le directeur de Fotokino, sur la polyvalence de sa structure. Une structure polymorphe qui œuvre justement à cultiver la pluralité de ces connexions, à abolir les frontières artistiques. De quoi en faire « une structure atypique, spécialiste dans tous les styles, comme se définissent parfois les coiffeurs africains. » Tout varie : des lieux de diffusion aux publics accueillis, jusqu’aux modes d’expressions artistiques proposés. « Et surtout, il n’y a aucune sorte d’appréhension à s’intéresser aux pratiques historiquement peu défendues en France, ou alors réservées à des cercles restreints d’amateurs, dans le champ de l’illustration, le cinéma d’animation ou le design graphique. »
La volonté de l’association est bien de s’ouvrir au plus grand nombre. Mais comment attirer le public vers une structure si atypique installée sur l’Allée Gambetta, au cœur d’un premier arrondissement populaire ? Vincent le reconnaît, le public local « ne passe pas tous le jours la porte du Studio. Mais n’en est-il pas de même pour les grosses machines (théâtrales et cinématographiques) du quartier ? La culture est un petit monde que tout le monde ne cerne pas facilement. » Ainsi, un important travail de médiation, de pédagogie, est mené auprès des centres sociaux du quartier, des structures sociales qui travaillent avec des publics en difficulté, des écoles et des collèges. « Le passant ne connaît peut-être pas nos activités, mais ses enfants sans doute ! » D’autant que, depuis 2015, l’association développe un projet de bibliothèque de rue et consacre une vingtaine de jours à des interventions dans les quartiers de Noailles et Belsunce.
Le Festival Laterna Magica est justement un moyen de mettre en lumière l’association pour les petits et les grands. Certains d’entre eux se déplacent même de l’étranger pour l’occasion. « Il faut dire qu’il y a très peu d’expositions de graphisme en France, comme celle de David Poullard par exemple, programmée cette année. »
Les douze années qui se sont écoulées ont toutefois laissé des traces. « Petit à petit, Fotokino se remet de l’année 2013. Cette expérience a été bouleversante pour nous, et pour bon nombre d’acteurs culturels marseillais. Les repères ont totalement changé. Plusieurs d’entre nous ont bénéficié d’une grande visibilité en 2013, ont pu mener des projets ambitieux, inédits, dans une énergie inespérée pour notre ville. Et puis, il y a eu janvier 2014… Le déséquilibre qu’a créé cette Capitale au niveau des équipes, des budgets, de l’accueil du public ou encore de la communication, a été très compliqué à absorber depuis. Faire fonctionner un lieu et maintenir une même exigence en termes de proposition, d’accueil, de communication, est complexe. 2016, avec son actualité plombante, est aussi une année où l’on trouve parfois futile ce que l’on fait. Pourtant, on se dit que ce travail est essentiel, surtout auprès des enfants. Il faut s’échiner à leur donner ce qui ne viendra pas seul à eu, et qui est indispensable à l’éveil de leur regard, à l’apprentissage d’un sens critique, à l’affranchissement d’un obscurantisme tous azimuts. Pour cela, nous continuons à explorer, défricher, connecter, et ainsi se renouveler sans cesse. La nouveauté dans la continuité : un beau slogan pour une primaire. »
Pour ce qui est de cette nouvelle édition de Laterna Magica, « on pourrait dire que chaque projet est différent, et qu’il n’y a pas de modèle. » Le cas de Yoyo en est un bon exemple : l’équipe a travaillé à l’automne sur le thème de la fête foraine avec le MuCEM, qui en prépare une à la Cité des Arts de la Rue. « La question de l’itinérance est omniprésente chez les forains, qui la partagent avec les gens du cirque. » Un autre exemple, bien éloigné, est celui de l’exposition de Fredun Shapur, qui s’installera quant à lui au Studio. Un an et demi de travail lent et passionnant a été nécessaire, alimenté par les échanges avec sa fille Mira, « pour se connaître, pour envisager les possibles, sélectionner les objets, et les transporter, notamment. Fredun Shapur est un créateur de jouets géniaux, un inventeur de formes qui a marqué le design pour la jeunesse dans les années 60 et 70. De ce fait, design, couleur et esprit d’enfance sont les dominantes de cette édition. »
Guillaume Arias
Festival Laterna Magica : du 9 au 18/12 à Marseille.
Rens. : 09 81 65 26 44 / www.fotokino.org
Le programme complet du Festival Laterna Magica ici
Rens. : 09 81 65 26 44 / www.fotokino.org
Le programme complet du Festival Laterna Magica ici
BONUS
Petit questionnaire à la Proust
Si la nouvelle édition de Laterna Magica était…
… une image ?
Ce serait un Playsack, l’un de ces costumes de papier créés par Fredun Shapur qui transformait avec trois fois rien un enfant en animal.
… un personnage célèbre vivant, mort, réel ou de fiction ?
Ce serait Pierre Etaix, un artiste qui était curieux en tout, joyeux, libre.
… un couvert de cuisine ?
Un verre de table. Objet que Pernelle Poyet prend en exemple dans son atelier « Apprentis designers » au Cirva : un objet simple et extrêmement complexe à la fois.