Edito 232

Edito 232

edito232.jpg

Yes, we can (be fucked again ?) (1)

Il faut le reconnaître : les Américains sont vraiment les meilleurs. Quel spectacle !!! Non, mais sans rire, vous avez vu ce show ? Le décompte en direct mondial, l’immense scène bleue avec tous ses drapeaux, la liesse populaire, tous ces noirs en larmes, les guest : le révérend Jackson, Bruce Springsteen… Et enfin, LUI et l’ovation à sa famille. Si, quand même, j’insiste : quel bel homme, quel charisme ! Cette voix grave, ce ventre villepinesque à la sortie du bain… Certes, pour le show et l’interprétation, on connaissait déjà les talents de l’Amérique. Si elle nous a surpris, c’est d’avantage au niveau du pitch : même si on reste dans le « plus c’est gros, mieux ça passe », les scénaristes de Washington ont mis les bouchées doubles. Ils l’ont joué fins psychologues. Les copies précédentes, grossières (le coup de la guerre de science-fiction avec menace islamiste), risquaient de voler en éclats. Il fallait donc trouver quelque chose d’exceptionnel tant la situation était délicate : les financiers à la tête du pays depuis 1908 ont vu leur cote dégringoler en quelques années. Leur opposition à toutes mesures anti-pollution, le massacre de plus d’un million d’Irakiens et les tentatives de déstabilisation en Iran, en Bolivie et au Venezuela ont fait des Etats-Unis le pays le plus unanimement haï sur la planète malgré une propagande bien rodée nous vantant l’idée du dernier rempart contre le totalitarisme. A l’échelle nationale, Washington a également réussi en très peu de temps à renverser la confiance que lui accordaient ses concitoyens : 1 400 morts au front, une classe moyenne ruinée par la crise des subprimes et — cerise sur le gâteau — la distribution de centaines de milliards publics pour un motif officiel qui n’a pas longtemps fait illusion : sauver l’économie nationale. Alors ? Alors, Zorro est arrivé, sans se presser, le grand Zorro, le beau Zorro… Conscients qu’il fallait rompre avec toutes références aux gouvernances précédentes, les responsables du casting ont fait preuve d’une audace inconnue jusque-là : il fut décidé qu’un démocrate porterait leurs couleurs. Et pour appuyer la sincérité du poulain, ils ont sorti la carte maîtresse : un noir. Focalisés sur cette révolution, les médias ont, comme prévu, oublié le contenu de la candidature Obama pour, sans cesse, célébrer l’avènement possible d’une nouvelle ère. Pour finir, le choix du jeune sénateur inexpérimenté se justifiait par une fringance qui avait déjà inspiré plusieurs séries télévisées.
Tout s’enchaîne alors : Wall Street arrose de sommes considérables la campagne de Barack et tous les médias (y compris de droite, à l’instar du Financial Times) le soutiennent aux moments-clefs de son parcours. Personne ne parle alors de ses engagements : maintenir le port d’armes, accroître le budget militaire pour financer une augmentation de 90 000 soldats, diminuer le nombre d’avortements et soutenir la politique israélienne. Le sacre n’a plus qu’à se dérouler dans une bienveillance dont seul le grand public peut douter. Saisie d’un suspense insoutenable (assassinat, fraude…), la population mondiale assiste alors à l’avènement que tous soulignent comme « populaire et historique ». Sur place pourtant, la population n’est pas au rendez-vous décrit au même moment. A New York, par exemple, où les lendemains d’Halloween et de marathons sont certainement difficiles, la joie — effective — des habitants n’a rien de comparable avec les cartes postales télévisées de l’avènement d’une nouvelle ère. Si les dirigeants du pays sont réellement conscients de devoir effectuer un virage sur la scène internationale et d’assainir la situation économique, il n’en reste pas moins qu’une fois encore, il se pourrait que l’on réalise un peu tard leurs talents de metteurs en scènes. Solidaires des Américains et des espoirs mondiaux, souhaitons que dans quelque temps nous continueront de crier GObama et non pas NObama.

Texte et photo : Emmanuel Germond (en direct de New York)

http://www.canalplus.fr/c-humour/pid2397-c-le-petit-journal.html

Notes
  1. On n’est pas à l’abri de se faire avoir à nouveau.[]