Wendell Pierce – Le Vent dans les roseaux (Editions du sous-sol)
Le livre retrace avec sincérité et émotion, une histoire de la culture afro-américaine. Wendell Pierce, l’acteur adoubé des séries The Wire et Treme, se fait ici le porte-parole des noirs de Louisiane, et plus particulièrement de La Nouvelle-Orléans, ville emblématique de la culture afro-américaine. Mais au-delà, c’est surtout à ses parents et grands-parents que l’auteur rend hommage, eux qui ont connu les humiliations et les lois ségrégationnistes, sans jamais abandonner, puis qui ont lutté pour leurs droits civiques et enfin pour leur liberté — surtout pour celle de leurs enfants.
Nous voilà embarqués à Pontchartrain Park, premier quartier pavillonnaire construit après-guerre pour les noirs d’Amérique, où Wendell Pierce a grandi avec ses frères. L’accès à ce type de maison, symbole de la réussite des familles américaines, était alors vécu comme une avancée, même si elles étaient construites avec des matériaux à bas prix et se situaient sur des marais asséchés. Ce fut pour eux la possibilité de se sentir citoyens américains ordinaires, jusqu’à ce que l’ouragan Katrina dévaste tout quelques décennies plus tard. En soutenant ses parents et la reconstruction de leur maison (et de La Nouvelle-Orléans), l’auteur a pu rendre ce qu’il avait reçu, c’est-à-dire la force et le courage de continuer malgré les épreuves.
Il va même au-delà en y donnant des représentations de théâtre, dont l’inénarrable En attendant Godot de Beckett, qui va permettre aux habitants de la ville de transcender leurs souffrances et de rebondir encore après le chaos. Car il est aussi et beaucoup question d’art. Le narrateur mettra toujours un peu de son histoire — inhérente à l’art et la culture de La Nouvelle-Orléans — dans son métier d’acteur. Il contribue à mettre en valeur la vie de sa ville, qui a notamment vu naître le jazz (que l’on retrouve dans Treme). Et n’a de cesse de nous rappeler que ses ancêtres, arrachés à leurs terres africaines, ont su, au travers des générations, des luttes, des combats, défendre leurs richesses et faire émerger à La Nouvelle-Orléans une culture à l’âme exceptionnelle, devenue un art de vivre. On lui aurait ainsi souhaité, après tant d’espoir et d’humanité, de ne pas assister aux dernières élections de son pays…
Cécile Mathieu