Amour réciproque à la Galerie de l’ESBAM

Amour réciproque à la Galerie de l’ESBAM

Correspondense

L’exposition Amour réciproque, réalisée sur l’initiative de la galerie du Tableau, de Bernard Plasse et du Kunstlerhaus Frise à Hambourg, est le troisième et dernier volet d’une série d’expositions qui réunit artistes français et allemands. A découvrir absolument !

expo-Vasseur.jpgSi les parcours possibles entre les différentes œuvres présentées sont multiples, l’un d’eux retient particulièrement notre attention en faisant écho au titre de l’exposition : celui dans lequel se nouent des relations intimes entre les œuvres d’artistes français et allemands. Arrêtons-nous d’abord sur celles d’Erich Pick et d’Arnaud Vasseux, qui explorent, différemment, notre relation à l’espace et à l’architecture. Le premier interroge, par une attention portée à des constructions banales, la diversité des modes de perception et des modes de représentation. Le spectateur fait face à deux photos en trompe-l’œil, dont l’une montre d’étonnantes distorsions spatiales, nous amenant à nous interroger : l’image est-elle le résultat d’un calcul et d’un travail de retouche par l’ordinateur ou s’agit-il d’une reproduction d’une situation concrète ? Arnaud Vasseux crée quant à lui un espace sculptural étonnant. Ici aussi on s’interroge sur le processus de réalisation de l’œuvre et sur le rapport entre l’espace créé et son impact sur l’environnement. En travaillant avec du plâtre, l’artiste crée une forme qui s’étire entre deux piliers de la galerie et dont l’apparence diffère sensiblement selon notre placement dans l’espace. Cette œuvre dégage l’énergie du faire, les traces du geste, et la mise à l’épreuve du matériau, en donnant une impression de stabilité et de fragilité, de douceur et de rugosité, créant ainsi des sentiments ambivalents.
Des liens se tissent également entre l’œuvre de Leila Brett et celle de Torsten P. Bruch. Leur point de départ est la reprise d’un texte auquel on fait subir quelques transformations. L’acte d’appropriation des Mille et une nuit chez la première est davantage lié à un travail sur la matière langagière que sur la signification des mots : sur les mots en tant que formes et signes, sur les phrases en tant que combinaisons graphiques, sur les lignes en tant que traces. Leur ordonnance, gouvernée par une liberté de geste, crée des images qui fonctionnent visuellement comme du dessin. Le second réadapte quant à lui le conte Barbe-Bleue en se réappropriant à la fois le sens de l’histoire et son cadre visuel par la création d’une installation interactive. Il joue et déjoue les codes de la représentation théâtrale tout en interrogeant les rapports entre l’un et le multiple — entre la linéarité d’une même histoire et ses différents contextes d’apparition, entre l’artiste interprète et les différents rôles qu’il incarne. Il nous renvoie par là même à notre propre expérience d’acteur dans la société et dans laquelle il est difficile de dire si nous incarnons différents rôles ou si les différents rôles incarnent ce que nous sommes.

Elodie Guida

Amour réciproque : jusqu’au 22/11 à la Galerie de l’ESBAM (40 rue Montgrand, 6e).
Rens. 04 91 33 11 99