Jowee-OMICIL

Retour sur le concert de Jowee Omicil dans le cadre du salon Babel Med

Souffle du cœur

 

Un interview intimiste et un showcase extrêmement bien maitrisé nous ont révélé un Jowee Omicil d´exception, tant par sa musicalité que la générosité de son message chanté, jusqu’à sa conception du « jouer ensemble ».

 

Dans le titre de son prochain album, Let´s BasH !, Jowee Omicil, souffleur émérite (sax alto, cornet, flûte piccolo), se réapproprie ce mot en le positivant par le mot « amour »… Tout au long de son showcase, il impliquera d’ailleurs le public, debout au bord de la scène, prêt à vaciller, en lui faisant scander « bash » d´un geste du bras. Ses grooves restent ancrés dans la Caraïbe et l´Afrique, car pour Jowee Omicil, « rester connecté avec ses racines, c´est la seule façon de grandir ».

Au cours de la réalisation de l´album, Jowee a enregistré pas moins que cent vingt-cinq titres en cinq jours, dont seulement quarante cinq comptaient parmi ses compositions. Le reste étant improvisé. Une prouesse, quand on sait que certains groupes de pop, par exemple, peuvent passer trois jours sur un seul morceau… On retrouve sur l´album les titres joués au showcase. A chaque titre, ses grooves différents, funky, teintés de créolité, interrompus par des breaks puissants là où on ne les attend pas. Le bassiste balance des harmonies sur sa ligne de basse, ce qui relance ces grooves particulièrement dansants. Des solos de clavier éclatant de tumbaos et, surtout, les interventions de Jowee, qui fait tellement hurler ses instruments que l´on a peur qu´ils se rompent.

L´interview a dessiné un artiste ayant l´histoire du jazz en tête, et un humain particulièrement sensible, tant dans sa pratique musicale que dans sa relation à l´Autre. Mr Omicil est né à Montréal de parents haïtiens, dont le père, pasteur, l´a encouragé dès sa plus tendre enfance à jouer du sax, instrument dont il tombera véritablement accro à l´âge de quinze ans. Il obtient par la suite une bourse et étudie au prestigieux Berklee College of Music, ce qui lui permettra d’être sélectionné pour participer à la colonie d´été du Thelonious Monk Institute. Il débute avec le bassiste maître du slap Marcus Miller, et collaborera avec des monstres sacrés tels que le saxophoniste Branford Marsalis, le saxophoniste Kenneth Garret qui a travaillé avec Miles Davis et, entre autres, le trompettiste Roy Hargrove, qu’il rencontrera en 2008. Ils passeront six heures à converser chez Hargrove, qui lui déclarera : « Va t´accaparer du monde ! Ils sont tous prêts à t´embrasser. » Mr Hargrove, dont Jowee avait bien senti que « son esprit charnel allait voyager », allait décéder dans les semaines qui ont suivi cette rencontre intime. Il désire que le public embrasse et fasse sien le jazz, comme il le fait pour la pop. Il cite humblement les pointures du jazz, qui « ont tracé la route » : Ornette Coleman, créateur du free jazz, qu´il considère comme son père musical, dont la rencontre fût « parfaite », Dizzie Gillespie, Miles Davis et, aussi, la nouvelle génération parmi laquelle figure Wallace Roney. « Je veux que le public s´accapare le jazz comme il le fait avec la pop par la danse, la voix et le bash. » A propos de la liberté de l´artiste dans ses concepts musicaux, il nous confie que « lorsque vous êtes libre, vous bâtissez quelque chose de constructif … Au temps de Louis Armstrong, le jazz était LA musique populaire. » Il exprime ainsi une volonté vivace d´appropriation du jazz, qui pour lui n´est qu´un terme, par le public via la danse, la voix et… le bash. Pour se faire, il propose de résoudre les problèmes arithmétiques chez soi, et non sur scène, ce qui simplifierait « le truc » en le rendant accessible au grand public. En outre, Jowee Omicil insiste sur les problèmes d´ego de certains musiciens. Généreux, il constate : « On groove ensemble, on laisse de l´espace. » D´ailleurs, il ne tient pas ses musiciens avec des menottes, mais les laissent s´évader, construire à partir des partitions écrites par lui-même. Avec le groove.

Catherine Moreau

Jowee Omicil était en concert le 16/03 au Dock des Suds dans le cadre du salon Babel Med.
Rens. www.dock-des-suds.org

L’album Let´s BasH ! (chez Jazz Village) sera dans les bacs le 14/04.
Rens. www.joweeomicil.com