Happy Hour par la Cie Wooshing Machine © GB

Happy Hour par la Cie Wooshing Machine au Bois de l’Aune

D’un seul corps

 

Interprètes chez Caterina Sagna et amis de longue date, les danseurs Mauro Paccagnella et Alessandro Bernardeschi dévoilent dans Happy Hour les intériorités de leurs parcours humains, corporels et artistiques dans un spectacle où le geste et la parole s’épousent majestueusement.

 

Si Céline Dion réclame « Encore un soir, encore une heure, encore une larme de bonheur. Une faveur… », Mauro Paccagnella et Alessandro Bernardeschi nous offrent cette faveur sur un plateau avec Happy Hour. Dans une douce nostalgie parfois teintée de violence comme seule la mémoire sélective en a le secret s’égrènent des moments choisis de leur histoire personnelle imbriqués à ceux de la grande histoire de l’Italie.

Présenté dans le off d’Avignon 2016 au Théâtre des Doms, Happy Hour a collectionné les succès comme au Fringe Festival d’Édimbourg où il a été primé.

Comment définir Happy Hour ? Autoportrait en miroir ? Bilan de carrière ?

Pour Alessandro Bernardeschi, dont c’est la première mise en scène chorégraphique, il s’agit d’« un point sur nos carrières respectives, sur ce que l’on pense de la danse, du théâtre, mais aussi une amitié forte qui passe et qu’on transmet en créant de l’empathie avec le public. La sincérité est à la base de notre travail. Nous ne prétendons rien de plus que ce que nous sommes, ce que l’on a été, ce que l’on est là dans le moment précis où on se présente à nu face au public. »

Les danseurs, dans cette perméabilité grandissante des arts, s’attachent de plus en plus à la parole, surtout à l’âge où le corps commence à montrer ses limites. De matière malléable et performante, il devient sujet de discussion, d’introspection figurative. Davantage dans la contemplation interrogative que dans la complaisance, Mauro Paccagnella et Alessandro Bernardeschi se servent de l’humour et de l’ironie pour mettre à distance leur sujet. Ils lui donnent corps dans une fusion joyeuse avec les spectateurs, allant jusqu’à les faire intervenir dans leurs chorégraphies plutôt que de s’autocélébrer dans un best of de trente-cinq ans de carrière.

Arrive le moment où s’impose une question essentielle : « Est-ce que chorégraphier ses faiblesses rend plus fort ? » Pour Alessandro Bernardeschi, la réponse est à chercher du côté de sa conception même de la danse : « Cela rend plus conscient. Une fois que tu énonces une chose, elle est là, et cela lui donne une distance, tu ne la prends plus directement en pleine poitrine. Toute ma carrière, je n’ai jamais pensé au corps d’un danseur nécessairement tonique, fort. J’ai fait des spectacles avec des êtres humains sur scène, quels que soient leur âge ou leur corps. De même que je n’ai jamais fait la différence entre un danseur et un comédien. Passé la quarantaine, on interroge immanquablement le danseur sur le vieillissement, ce que l’on ne fait pas avec le comédien. Tant qu’un spectacle a quelque chose à dire, je pense qu’on peut le faire avec n’importe quel corps. J’aime à dire que je fais des spectacles contemporains plutôt que de me nommer comme danseur. On devrait décloisonner les catégories et non pas subventionner du cirque, du théâtre ou de la danse, mais des artistes de scène. Point. »

Ce qui explique que dans Happy Hour, le geste artistique prime, dégageant le mouvement d’une beauté de parade pour n’en garder que la force du propos.

En attendant leur nouveau projet avec la danseuse Lisa Gunstone, El pueblo unido jamás será vencido, qui verra le jour au Théâtre des Tanneurs de Bruxelles la saison prochaine — où ils s’attacheront encore aux souvenirs et au bonheur de la différence en cette période de montée des nationalismes —, on pourra retrouver Alessandro Bernardeschi au Festival de Marseille dans la nouvelle création de Georges Appaix, What do you think ?, la suite de Vers un protocole de conversation.

De belles Happy Hours à venir…

Marie Anezin

 

Happy Hour par la Cie Wooshing Machine : le 24/05 au Bois de l’Aune (Aix-en-Provence).
Rens. : 04 88 71 74 80 / www.aixenprovence.fr/Bois-de-l-Aune

Pour en (sa)voir plus : www.wooshingmachine.com