Pierre Malphettes – Sculptures terrestres et atmosphériques au FRAC PACA
Affinités électives
Les installations callipyges de Pierre Malphettes inaugurent la programmation 2009 du FRAC. L’exposition dédiée à l’artiste marseillais confronte des œuvres réalisées entre 1999 et 2009, ouvrant ainsi un dialogue entre hier et aujourd’hui.
Il est des œuvres qui nous redonnent le sourire et ce sourire est un bon présage. Morellet disait d’une œuvre d’art qu’elle était réussie lorsque, devant elle, celui qui regarde esquisse un sourire tout en se disant : « Ah, le con ! » Chez Malphettes, quelque chose d’ineffable nous touche d’emblée et cela a sûrement à voir avec la poésie qui se dégage de ses œuvres. On pourrait alors ne pas chercher à comprendre pourquoi, tout comme on n’explique pas un poème…
Les oxymores visuels de Malphettes créent des paradoxes. L’artiste tente de capturer l’impermanence des choses, de « sculpturaliser » l’intangible : un arc-en-ciel, le vent, le brouillard, à l’instar Marcel Duchamp qui enfermait jadis cinquante centilitres d’air de Paris dans une petite fiole de verre. Mais si Malphettes utilise un nuage, Nuage de verre qui ouvre l’exposition, il est moins question d’un nuage que DU nuage et des représentations que l’on en a. Comme Magritte dans la trahison des images, Malphettes instaure une réflexion sémantique sur l’idée éculée que l’on se fait des choses… Ainsi, il révèle notre manque de déférence vis-à-vis de ce qui nous entoure. Comme s’il avait su garder la capacité que nous avons perdue de trouver dans les choses les plus simples l’expérience esthétique la plus émouvante. Et c’est bien l’une des fonctions de l’art que de nous aider à voir dans une toile d’araignée perlée de gouttes de pluie la plus belle chose au monde.
Le répertoire formel de Malphettes puise dans ce monde qu’il a redécouvert par le truchement des sciences modernes. Dans Les attracteurs étranges, deux ventilateurs combattent dans un mouvement perpétuel. A la manière de Foucault et de son pendule, tel un apprenti scientifique, l’artiste expérimente les lois de la mécanique quantique pour redémontrer des phénomènes. Il préserve néanmoins l’évidence du processus pour le spectateur et conserve ainsi le charme d’un bricolage assumé qui nous rappelle les films de Gondry. De la confrontation des idées ou des sensations antinomiques naît donc cette poésie particulière aux œuvres de Pierre Malphettes. Ces paradoxes plastiques Un tas de sable et Sans titre (La poutre) détournent la fonction de l’élément utilisé comme dans l’architecture baroque : une poutre en acier symbole de force et de solidité est ici ciselée comme de la dentelle et donc fragilisée. Le recours aux matériaux de construction témoigne d’un rapport particulier à l’architecture, d’un intérêt lisible pour l’espace et ses rapports avec le corps, le mouvement, la déambulation (cf. Cloisonnement).
Tout chez Malphettes tend à reconsidérer inlassablement nos évidences : à nous d’essayer de ne jamais s’en satisfaire…
Texte : Céline Ghisleri
Photo : Jean-Christophe Lett
Pierre Malphettes – Sculptures terrestres et atmosphériques : jusqu’au 25/04 au FRAC PACA (1 place Francis Chirat, 2e). Rens. 04 91 91 27 55 / http://www.fracpaca.org