Attention événement : Afrika Bambaataa, pilier de la culture hip-hop, est de passage à Marseille pour une date unique en France. Retour sur les quelques pierres apportées par ce maçon de la Zulu Nation…
La langue française semble bien pauvre, les superlatifs et qualificatifs galvaudés, lorsqu’on doit parler de quelque chose d’absolument essentiel, effectuer un retour aux sources pour évoquer un personnage mythique ayant donné naissance au mouvement musical et culturel le plus excitant de ces trente dernières années. Afrika Bambaataa est, avec Kool Dj Herc, Grand Wizzard Théodore et GrandMaster Flash, l’un des « pères fondateurs de la culture hip-hop ». Kool Herc est le premier dee-jay moderne, celui qui a donné naissance au remix artisanal en utilisant deux copies du même disque. Théodore a inventé, par accident, le scratch, et Flash a été le premier dee-jay virtuose. Afrika Bambaataa, lui, a eu un rôle fondamental car il a su structurer l’émergence de la culture hip-hop et tisser les liens qui unissent désormais les musiques électroniques au hip-hop. D’origine jamaïcaine, tout comme ses illustres pairs, cet ancien membre du gang des Black Spades réside dans le Bronx depuis 1969. C’est en voyant Kool Herc qu’il a l’idée de lancer son propre sound-system en 1976. Son autorité naturelle, son éclectisme et ses visions politico-mystiques feront le reste… Son influence dépasse le simple cadre musical, et a donné à toutes les pratiques de rue une dimension politique et spirituelle à travers la naissance de la Zulu Nation. Celle-ci a eu pour effet premier de créer une émulation au sein des diverses pratiques artistiques, supplantant la violence qui avait autrefois régné. Elle transforma un mal-être en une nouvelle forme de création artistique : le hip-hop (1) était né. Musicalement, outre sa légitimité historique de Dj et de concepteur-rassembleur, la force d’Afrika Bambaataa fut surtout de créer un courant musical à part entière : l’electro (2), qui allait grandement influencer les pionniers de la techno de Detroit, Juan Atkins en tête. Planet Rock, produit en 1982 par Arthur Baker (qui produira par la suite New Order), est le premier tube du label Tommy Boy. La chanson emprunte la mélodie du Trans Europe Express de Kraftwerk pour projeter le hip-hop dans un futur inquiétant et visionnaire : le sampler remplace le Dj et la danse se fait robotique. Afrika Bambaataa devient dès lors la figure incontournable du mouvement, comme en témoigne un duo avec le maître James Brown en 1984. Aujourd’hui, à l’heure où le rap remplit des stades, « Love, unity, peace & having fun » semble être un mot d’ordre dérisoire. Pour que le hip-hop ne connaisse pas la même déchéance que le rock (si ce n’est pas déjà fait…), il reste encore quelques maîtres à penser qui, comme lui, savent aussi se transformer en maîtres à danser. Son exceptionnelle expérience de dee-jay (presque trente ans, qui dit mieux ?) et ses connaissances rarissimes de la sensuelle syncope funky devraient secouer un dancefloor tout acquis à sa cause. Des racines à l’afro-futurisme, un pied en arrière, un pied en avant, c’est certainement la meilleure manière de danser…
nas/im
Le 30 à l’Espace Julien, 20h30. Rens. 04 91 24 34 10
- Mouvement artistique comprenant un pôle musical (le rap), un pôle chorégraphique (le breakdance) et un pôle graphique (le graf/tag)
- On parle aussi d’electro hip-hop ou d’electro-funk. A ne pas confondre avec électro, diminutif utilisé pour « électronique »