Edito 239

Edito 239

Déchiffrer des lettres

« Si y en a que ça les démange d’augmenter les impôts… », « On se demande c’est à quoi ça leur a servi ? » : vous croyez ces citations extraites du skyblog de votre petit cousin Kevindu13 ? Détrompez-vous ! Ces phrases fluides et musicales, qui violent treize lois des accords internationaux du « bien parler », sont sorties tout droit de la bouche de notre cher président lors de son discours devant les ouvriers d’Alstom dans le Doubs (abstiens-toi, la prochaine fois), en pleine — ironie du sort — Semaine de la langue française. Et la liste des méfaits langagiers de Sarko 1er ne s’arrête pas là : diction « chewing-gum » (« Chuis », « Chais pas », « M’enfin M’ame Chabot »), confusion des genres (« On commence par les infirmières parce qu’ils sont les plus nombreux », Rambouillet, 13 mars 2009), confusion tout court (le fameux « Casse-toi pov’con » du Salon de l’Agriculture 2008), ou encore négations sacrifiées sur l’autel du parler populaire (« J’écoute, mais j’tiens pas compte ! », Provins, 20 janvier 2009)… Un comble pour celui qui proclamait avant son élection à la tête du pays que « Le français c’est l’âme de la France, c’est son esprit, c’est sa culture, c’est sa pensée, c’est sa liberté… Nous avons le devoir pour nos enfants, pour l’avenir de la civilisation mondiale, pour la défense d’une certaine idée de l’homme, de promouvoir la langue française. » (Caen, 9 mars 2007) ou qui proposait de faire passer une batterie de tests portant sur leur connaissance de la langue et de l’histoire françaises aux étrangers désireux de s’installer dans l’hexagone. Est-ce à dire que le président aurait échoué à obtenir son visa ? Nous nous garderons bien d’émettre un jugement, mais il y a fort à parier qu’il ne s’endort pas avec le Bescherelle. On aurait préféré un président moins « bling bling » et plus « besch besch ». D’aucuns diront que cette façon de s’exprimer reflète une volonté de « désacraliser l’orthographe » (1) ou de « s’adresser au peuple ». Autrement dit, de prendre l’ascenseur de la paupérisation verbale pour rejoindre la « France d’en bas ». Hein, biloute ?

CC/HS

(1) Bernard Fripiat, « coach en orthographe »