Nora Hamzawi © S. Leban

Retour sur… Nora Hamzawi au Théâtre du Gymnase

Ce matin, j’ai pris une poutre

 

En visite au Théâtre du Gymnase, l’humoriste Nora Hamzawi, qui s’est fait connaître sur les ondes de France Inter, nous a livré un one woman show sur l’affirmation de soi et l’autofiction.

 

Le journal intime est un cliché qui a la vie dure. On imagine volontiers la jeune fille s’enfermant dans sa chambre pour mieux se défouler sur son cahier et laisser libre cours à son imagination. Elle va forcément parler de son amoureux ou de sa rupture, de ses parents, de son petit frère, de sa copine qui la colle sans cesse mais qu’elle aime tant. Les possibilités et les recoupements sont infinis et tout redevient possible. Nora Hamzawi joue à la première personne, elle met en scène son corps dans un débit et une vitesse hallucinants qui nous obligent à tendre l’oreille pour ne pas se laisser déborder. Dès les premières minutes, on comprend qu’elle vit à Paris, parce qu’il y a quelque chose de précieux et d’un peu suranné dans les private jokes et cette affirmation du souci de soi qui déborde sur la vie des autres. L’égocentrisme est un formidable terrain de jeu. Il offre une extension sans limite de nos phobies et de nos lubies, à la manière d’une analyse où le public devient le réceptacle d’une logorrhée qui nous submerge. Et puis d’un seul coup, au milieu de ce torrent de mots, une chorégraphie désuète sur un air de R’n’B vient remplir l’espace et nous laisse en suspens dans un fou rire inarrêtable. La force de ce spectacle, c’est certainement sa rupture de style et ses dissonances. Un peu à la manière d’une petite voix qui ne peut jamais s’arrêter, d’un seul coup, tout nous pète entre les doigts. L’esprit se met à divaguer sur la validité du mot « poutre » (pourquoi celui-là et pas un autre ?) et l’absurde remporte la mise, embarquant le public dans une dimension inconnue où la folie et le rire s’embrassent intimement. Nora Hamzawi, c’est un joli minois qui se cache derrière de grandes lunettes, de beaux cheveux bruns volontairement mal coiffés, un jean et un t-shirt un peu trop grand, des ConverseTM qui brouillent les pistes de l’âge. Dans ce flou, savamment orchestré, l’ado-femme séductrice mal dans sa peau utilise la scène comme on joue au foot, dans la cour du lycée, entre midi et deux. C’est-à-dire sans véritables règles du jeu, dans un lâcher-prise total où le seul but est de faire sortir les énergies pour dire « je » dans l’immensité de la foule.

Karim Grandi-Baupain

 

Nora Hamzawi était le 2/12 au Théâtre du Gymnase. Elle sera de retour dans la région le 12 janvier 2018 au Théâtre des Salins (Martigues). Rens. : 04 42 49 02 01 / www.les-salins.net
Pour en (sa)voir plus : www.cheznora.fr