Mon pire cauchemar présenté au Daki Ling

Mon pire cauchemar présenté au Daki Ling

Qui s’y frotte, Citrik!

Dans Mon pire cauchemar, c’est la trique au point que le clown Ludor Citrik vient traquer, sans trac ni trucs, son jumeau infidèle, l’acteur. Après un duo avec l’actrice Isabelle Wéry au In d’Avignon cet été, Cédric Paga alias Mister Citrik continue d’interroger le rapport entre le clown et l’acteur, l’interprète et le créateur.

Mon-Pire-Cauchemar.jpgMon pire cauchemar est annoncé comme « une sadicomédie pour deux clowns et deux acteurs ». Sur le plateau, un premier personnage nosfératique, en manteau de fourrure et dentelle 18e, cherche Mérésine, sa dulcinée. Il caresse le vide, fait l’amour avec son ombre, danse avec une robe inhabitée et tente de ressusciter les catacombes du Daki Ling. Il incarne l’artiste romantique, le créateur incompris au faciès de victime prédisposée. Un second, tête d’oiseau halluciné et bouche dégueulassée de rouge, vient haranguer la foule dans une langue zozotante à l’accent italien. En jupe courte et chemise de communiant, c’est un travesti mégalomane, avide de reconnaissance et de fist-fucking. Etrangement, on ne peut s’empêcher de s’identifier à ces deux figures dans leur manière d’appréhender le monde. Aussi viril que féminin, adorable enfant et vieux pervers à la fois, le clown Citrik fait bientôt irruption. Ludor séquestre alors les deux acteurs dans un carré lumineux pour les mettre face à eux-mêmes, face à leur pire cauchemar. Parfois, par caprice ou envie, Ludor ouvre le clapier des deux acteurs pour leur offrir une miette de jeu. Vidés de leurs forces identitaires, les deux otages ne tarderont pas à se mettre à nu : l’un finira par enlever littéralement son costume et regagnera le public tandis que l’autre se verra privé de son visage. C’est un peu là tout l’intérêt du spectateur, de constater l’emprise du diable au nez rouge sur l’acteur qui incarne un personnage. Sous l’éclairage de l’improvisation, le clown rebâtit le quatrième mur pour voir qui est le plus fort : le prestige de l’interprétation ou la liberté d’être, l’acteur ou le clown. Tantôt sur le plateau, tantôt spectateur râleur ou metteur en scène, le dieu lubrique nous pose directement la question du théâtre et de ce que nous sommes prêts à supporter. On passe du fou rire à l’ennui, et le propos du virtuose au médiocrement humain. C’est anarchiste, vulgaire et aussi corrosif que cet acide de Ludor Citrik.

Coline Trouvé

Mon pire cauchemar était présenté du 23 au 25/04 au Daki Ling.
A venir, Tendance Clown, 4e édition : du 15 au 30/05 au Cours Julien, au Daki Ling et aux Abattoirs. Rens. 04 91 33 45 14 / www.dakiling.com