L'interview : la compagnie Mémoires Vives
Les jolies colonies de la France
Les mots et les corps s’affrontent dans des spectacles poétiques et graves sur un seul et unique thème : l’Histoire. Mélangeant théâtre forain, danse, musique et vidéo, la compagnie Mémoires Vives présente ces jours-ci deux volets de son triptyque consacré à la mémoire des immigrations. Rencontre avec Yan Gilg, directeur artistique de la compagnie.
Comment la compagnie est-elle née ? Pourquoi ce nom ?
La compagnie est née d’une sensation de vide concernant l’histoire globale des immigrations, leurs apports à la fois économiques, culturels et sociaux. Il y a un manque de connaissances et de transmission, ouvrant la porte à tous les fantasmes possibles : beaucoup de Français pensent encore que les immigrés sont redevables. Combien de films, de livres, de programmes éducatifs pour raconter l’apport de l’immigration ? Qui raconte les crimes coloniaux, la domination, la négation de l’autre ? Qui raconte l’histoire du racisme, la construction des stéréotypes ?
Comment situez-vous votre travail depuis le renforcement de la politique française en matière d’immigration ?
Nous œuvrons pour une meilleure compréhension de l’apport des différentes vagues d’immigration. La France n’a jamais été reconnaissante envers ses populations immigrées, qui sont dépossédées de leurs contributions, exclues du récit national. L’immigration a toujours été présentée comme un danger potentiel, un besoin provisoire, à maîtriser comme n’importe quelle autre variable économique. En tant que républicains, humanistes, nous trouvons ça insupportable.
Comment le public perçoit-il le message que vous tentez de transmettre ?
On ressent un besoin de parler vraiment de cette histoire coloniale, dont la page a été tournée trop rapidement. Les gens ont envie de comprendre, car beaucoup sentent qu’elle a déterminé nos destins, les représentations, les stéréotypes, les politiques… Par ailleurs, nous avons récemment présenté notre travail au Maroc, où il a reçu un accueil chaleureux. Nous étions aussi émus que le public.
Qu’en est-il du dernier volet de votre triptyque ?
Il sera créé fin 2010, début 2011, avec le danseur chorégraphe comédien Hamid Ben Mahi, qui a également travaillé sur les questions d’identité, d’exil et d’immigration. La pièce abordera la colonisation de l’Algérie, de ses conséquences dans l’inconscient collectif des peuples concernés, de part et d’autre de la Méditerranée. En guise de conclusion, ce sera un appel à une fraternité nécessaire et urgente. Un cri pour la construction d’une société de la diversité consciente du poids déterminant du passé.
Propos recueillis par Pascale Arnichand
A nos morts : les 11 & 12 à l’Astronef. Rens. 04 91 96 98 72
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