Coraline – Animation (USA – 1h40) d’Henry Selick
Cousu main
Injustement éclipsé par Tim Burton lors de la sortie de L’Etrange Noël de Monsieur Jack, sévèrement ignoré par la critique pour James et la pêche géante, Henry Selick est pourtant un artisan de génie. Adepte de l’animation image par image, à l’aise dans des ambiances où rêver n’a rien de serein, il compose des univers enfantins à la fois admirables, inventifs et attractifs qui, à y regarder de près, s’avèrent également particulièrement sordides. Ce fils spirituel de Ray Harryhausen pousse ce mélange des extrêmes encore plus loin dans Coraline. En effet, cette adaptation d’un court roman de Neil Gaiman nous convie à revisiter dans un même temps le Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll ainsi qu’une large partie de la bibliographie du père Freud. Entre complexe d’Œdipe, aliénation intra-utérine, dédoublement de personnalité et traumas divers et variés, le spectateur n’assiste pas à un simple film pour enfants, loin de là. Les degrés de lecture sont multiples, de nombreuses séquences simples en apparence recèlent un tourbillon d’allusions majoritairement subversives (n’oublions pas que le producteur Bill Mechanic se cachait déjà derrière Fight Club). Ainsi, le monde dans lequel on déambule, même s’il projette une féerie sensationnelle, ne dissipe jamais un dérangeant sentiment d’incertitude. La thématique du monstre dissimulé dans le placard plane avec une constante efficacité… Outre son aspect psychanalytique, Coraline est aussi un bijou de technique. Henry Selick ne choisit à aucun moment la facilité. Ses plans sont parfaitement composés, brillants, vertigineux. La caméra vole, ne se pose pas, toujours en alerte. Ajoutons à cela un sens du détail chirurgical et une volonté folle de rendre l’irréel réel et Coraline entre directement dans la cour des grands en nous offrant Noël en été. Qui dit mieux ?
Lionel Vicari