Dansem, danse contemporaine en Méditerranée : jusqu’au 11/12 à Marseille
La chute du mur
Pour sa douzième édition, le festival Dansem prend une nouvelle dimension en s’associant à Marseille Objectif Danse et à la manifestation Question de danse. Dans l’optique de Marseille 2013, un réseau prend forme et engage sa responsabilité dès maintenant pour trouver une place de choix au moment du feu d’artifice.
Le festival Dansem engage sa nouvelle édition sous le signe d’une économie partagée et d’une société de la décroissance. Là où les centres nationaux chorégraphiques défendent l’idée du groupe (la compagnie) et du laboratoire du mouvement, il existe une autre forme de danse qui aborde frontalement l’actualité et les défis de demain. En adoptant l’idée de la soustraction des moyens et de l’association des idées et des personnes, des minorités élaborent un désir d’avenir. Si le marché de l’art est étroitement lié à l’hégémonie des pays industrialisés, Dansem se propose d’aller voir ailleurs : en Turquie, au Portugal, au sud de l’Italie, à la recherche d’une création qui survit par l’intelligence de son synopsis et la fraîcheur de son toucher. La disparition récente de Pina Bausch nous engage à ne pas dilapider l’héritage d’une femme qui a su imposer une définition du danseur s’arrachant à l’inertie du ballet pour exprimer ses émois et ses faiblesses sur le devant de la scène, consacrant par là même la naissance de l’individu sur scène. Celui qui s’autorise à parler fort, à briser les codes, à manifester sa mauvaise humeur et ses problèmes de couple, tend la main au quotidien du spectateur. Pina Bausch a engagé la danse vers la rencontre du théâtre et du cinéma, elle a sorti le mouvement du film muet pour l’amener à parler de ses contradictions en abordant le processus du scénario : le protagoniste, l’objectif et ses obstacles. Plus près de nous, Christophe Haleb et la compagnie la Zouze élaborent une force brute au service de l’hystérie collective, dans l’idée que la bousculade est déjà une chorégraphie en soi. Le monde d’aujourd’hui est un vaste répertoire de contradictions, il crée une perte de repères chez celui qui désire de l’ordre, mais constitue un formidable générateur d’émotions chez celui qui utilise le chaos pour construire sa propre histoire. Etre, c’est d’abord penser à soi en emmenant les autres dans son sillage. Dansem a bien compris cette idée du « un plus un » et de ses multiples possibilités. Cristiano Carpini porte une lumière sur les compagnies en devenir, en s’offrant une tête d’affiche avec la présence de Caterina Sagna, dont le parcours dans l’Italie de Silvio Berlusconi est exemplaire. Basso Ostinato est un prolongement de la ferveur italienne pour les films à sketches, dont le fait marquant est le comique de répétition jusqu’à ce que tout dérape. On pense aux déambulations hypnotiques de Fellini, aux incantations de Pipo Delbono ; au formidable contraste entre ceux qui détiennent la parole et ceux qui veulent la prendre et qui, par le filtre du vin, deviennent les complices d’un soir dans une décadence annonciatrice d’une forme de démocratie.
Texte et photo : Karim Grandi-Baupain
Dansem, danse contemporaine en Méditerranée : jusqu’au 11/12 à Marseille, Arles & Aix-en-Provence. Rens. L’Officina : 04 91 55 68 06 / www.dansem.org
Les immanquables
Questions de danse, d’après une proposition de Michel Kelemenis
Le théâtre des Bernardines devient, le temps du festival, le lieu de présentation de pièces courtes ou en gestation. A la manière du filage qui ne retient que l’essentiel pour laisser le corps respirer dans l’attente de la première, Question de danse aborde le courage de montrer des processus de création, des travaux en cours et des chorégraphes qui frappent à la porte. Le passage de l’un à l’autre peut se regarder comme un formidable répertoire du mouvement et des intentions où les multiples dessinent la scène de demain.
_Jusqu’au 7/11 aux Bernardines
Madame Plazza de Boucha Ouizgen par la Cie Anania (Maroc)
Comment concilier les libertés de la femme et la rigidité d’une culture ? Au Maghreb, la cuisine sert souvent de lieu de retrouvailles, là où les langues se délient autour du thé et de la pause. En investissant le silence de la nuit et l’absence des hommes, Boucha Ouizgen offre à quatre femmes le plaisir de se côtoyer et de remonter le temps des souvenirs pour plonger les corps dans la proximité, le toucher, les caresses, le souffle sur les paupières, loin des stéréotypes du corps agile. Dans la simplicité et la naissance d’un amour complice, la femme exhibe ses sens et la chaleur de ses sentiments en recréant l’espace de l’intimité et de l’infinie douceur.
_Le 20/11 à 20h30 au Théâtre d’Arles
Dokuman de Filiz Sizanli et Mustafa Kaplan par la Cie Taldans (Turquie)
L’obstacle est un vecteur de drame. En travaillant sur les blocages du corps par des éléments externes — la camisole, les élastiques, l’idée de l’engrenage —, la compagnie Taldens a construit une marque de fabrique qui impose au danseur un parcours du combattant où le handicap devient un synopsis et une délicatesse sur le sourire. Encore une fois, la virtuosité du pas rencontre les incohérences du monde moderne pour déconstruire le mouvement et repartir sur d’autres propositions.
_Le 5/12 à 20h30 à La Cartonnerie (Friche Belle de Mai)