Dans des corps patients s’étreignent peu à peu, comme des âmes de peur, les sons d’une mémoire enfouie. Dans des chairs éprises éclosent des surfaces tièdes, quelques capitulations d’une ère moderne et rapide, un instant d’isolement que la musique ou la danse attisent… (lire la suite)
Dans des corps patients s’étreignent peu à peu, comme des âmes de peur, les sons d’une mémoire enfouie. Dans des chairs éprises éclosent des surfaces tièdes, quelques capitulations d’une ère moderne et rapide, un instant d’isolement que la musique ou la danse attisent. Une seconde de présence… C’est peut-être l’étrange attrait d’une dépossession momentanée de soi, c’est possiblement la simplicité, la relativité des liens qui se tissent entre l’éclat des voix, la pudeur des cordes au bout desquelles se pendent les imprenables sentiments de la vie et du voyage… Peut-être est-ce tout cela qui suscite des Fractions, des Légendes, des Rencontres virtuelles sur la route de la soie[1] ? Peut-être ? C’est un univers entier, plein qui s’offre à nous, hères désireux de rendez-vous informels. Les yeux remplis d’images et de résonances, nous verrons, dans des rues illuminées, rimbaldiennes, des démiurges, des étrangleurs de banalité, nous serons saisis dans des villes gigantesques où les contre-jours sont libres, nous serons mêlés, ô combien de fois, dans des cités parfaites… Nous serons itinérants, heureux de l’être, philanthropes. Du grand spectacle, un chuchotement universel, un état de poète. Des odyssées sur des navires, la nuit, des quais qui se brisent, et des lunes sans prudence. Icare, Ovide, Dédale, Giacometti, Debussy, Schoenberg, Edgar Poe, tous passagers de cette traversée. La mort aussi, comme toujours… Mais une mort mélomane, presque indulgente. Presque… Des conteurs contemplateurs du monde, fixant un panorama incandescent, descendent du monde pour apporter des parts d’identité cacophoniques. Un lexique élancé, rougeoyant, improvisé, percutant, expressionniste, allemand, un lexique qui s’enfonce, s’abandonne dans un champ esthétique, mirifique, plein de vestiges babyloniens et de crimes démodés… C’est, en résumé, à peu près ce que l’on pourra trouver au festival Les Musiques que propose cette année encore le Gmem – le Centre national de recherches et de créations musicales de Marseille. La programmation est y est dense et spécialement variée, baladant de créations (neuf en tout) en reprises revisitées. Au total, ce sont plus de vingt événements de qualité, tout aussi homogènes que disparates, qui seront donnés. Ce festival est, comme le dit Raphaël de Vivo, son éminence grise, non seulement une fête mais surtout l’évacuateur d’une prudence bien trop omniprésente – et donc, tout logiquement, l’évacuateur d’un ennui certain. A ne pas manquer.
Lionel Vicari
Les Musiques, du 12 au 20 mai dans divers lieux. Rens. 04 96 20 60 10
Notes
[1] D’après les intitulés de plusieurs spectacles présentés dans le cadre du festival