Les romans de l'année 2009
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• William Kotzwinckle – Fan Man (Cambourakis)
New York, années 60, 70. Horse Badorties, « l’homme au ventilateur », n’a de cesse de parler. Les personnes croisées au cours de ses déambulations loquaces affinent son portrait et l’extirpent quelque peu de son monologue. Puis il parle, encore, et lâche parfois des bombes, belles à couper le souffle. Ecrit dans une langue incroyable et bénéficiant d’une excellente traduction, Fan Man est un livre excentrique et incroyablement vivant, pour lequel nous pouvons saluer les très bonnes éditions Cambourakis. Déjà culte.
• Chloe Hooper – Grand Homme (Bourgois Editeur)
Chronique d’une injustice annoncée tout autant qu’autopsie d’un désastre, Grand Homme restitue avec pudeur et sans manichéisme les années suivant la mort d’un jeune aborigène dans une prison australienne : la révolte violente de la communauté, le silence des autorités, la douleur de la famille et l’inévitable conflit entre blancs et indigènes… Avec une rigueur documentaire, Chloe Hooper met en lumière la face sombre de son pays, dénonçant au passage le cynisme de la colonisation occidentale. Un travail important et un livre magnifique.
• Marie NDiaye – Trois femmes puissantes (Gallimard)
Avec ces trois destins de femmes, silhouettes projetées malgré elles dans une vaste fresque à mi-chemin entre Afrique et Occident, Marie NDiaye se joue des apparences et des destins contraires. Revêtues d’une paradoxale fragilité, Norah, Fanta et Khady Demba seront ainsi amenées à affronter leurs démons pour trouver cet eldorado qui, dit-on, garantit leur dignité et leurs droits aux plus opprimés. Cet hymne à l’espérance que l’on a plaisir à entonner séduit par une écriture poétique, une véritable incantation…
• Jim Hoberman – The Magic Hour, Une fin de siècle au cinéma (éd. Capricci)
Grand cinéphile, Jim Hoberman est l’un des critiques les plus iconoclastes de la presse américaine et l’un des plus fervents défenseurs d’une culture quasi-exempte dans la presse de son pays. Ses articles sont empreints d’un amour immodéré pour la cinématographie européenne (Nouvelle Vague française et Néoréalisme italien en tête), et ses brûlots contre une certaine tendance du cinéma hollywoodien, rassemblés dans cet ouvrage, font souvent mouche. Le tout sur un registre où l’humour féroce le dispute aux références inspirées. Un régal.
• Laurent Mauvignier – Des hommes (Les éditions de Minuit)
Défait par la vie et banni par les siens, Bernard « feu de bois » s’évertue à noyer une douleur indicible dans l’alcool et la rage. Jusqu’à ce fameux jour où dans un coup d’éclat, il réveille les souvenirs du passé : un passé tabou sur fond de guerre d’Algérie, hanté par les humiliations, la peur et la barbarie. L’écriture incise avec retenue et pudeur l’abcès pour que s’écoule enfin l’épaisseur des non dits, l’inavouable vérité des petitesses et mesquineries. Ni héros, ni brutes, ce sont des Hommes que Mauvignier nous livre.