The Saint of Bleecker Street présenté à l’Opéra de Marseille
Saint in the city
L’Opéra de Marseille a donné quatre représentations de La sainte de Bleecker street de Gian Carlo Menotti. Une œuvre qui transpose dans la rue le conflit intérieur du compositeur, entre foi et doute.
C’est dans le quartier de « Little Italy » à New York (magnifique décor de Jamie Vartan) que se situe ce drame lyrique. Annina (Karen Vourc’h) revit tous les vendredis saints la crucifixion du Christ. Possédée de visions et portant des stigmates, réputée faire des miracles, elle est l’objet d’une adoration fanatique dont veut la protéger son frère, Michele (Attila Kiss), homme en proie au doute, à l’alcoolisme et à la violence — symptômes de déculturation frappant les individus et les communautés en perte de repères. Reposant sur les dualités, les antagonismes et les contrastes, la composition échappe par ses nuances à la grandiloquence comme à la mièvrerie. Le thème initial, écrit pour les cordes, reviendra chaque fois que la foi d’Annina s’exprimera, souvent contrarié par les cuivres quand Michele ou toute autre manifestation plébéienne viendra s’y opposer. La maîtresse de Michele, Desideria (Giuseppina Piunti), passionnée et provocante, va périr de la colère de son amant, lequel assistera impuissant, débile et implorant, aux vœux et au décès de sa sœur. Aux interprètes précédemment cités, il convient d’ajouter Dmitry Ulyanov, alias Don Marco, seul personnage stable et mesuré, ainsi que l’ensemble du chœur figurant la foule pour ses interventions aussi bien pendant les prières que les cérémonies.
Le caractère irrésolu du conflit intérieur, qui fait que Menotti se retrouve autant dans le frère que la sœur et les traite avec une égale compassion, tient peut-être à la déception ressentie par le musicien lors de sa rencontre avec le Padre Pio, figure de l’Eglise italienne, stigmatisé lui aussi, décédé en 1968 et canonisé en 2002 par Jean-Paul II. Alors en quête d’un retour à la foi, Menotti était allé en pèlerinage à sa rencontre, assistant à une messe avant une entrevue durant laquelle, exprimant les doutes auxquels était confrontée sa foi, il fut éconduit sans ménagement par le moine. Un incident qui contribuera sans doute à l’équilibre de son œuvre. La cinématique de l’écriture de Menotti, librettiste, compositeur et metteur en scène, participe d’une évolution constante de la situation qui captive l’auditoire, complètement conquis dans la deuxième partie quand les drames se nouent et que chacun va au bout de son destin. Comme le dira trente ans plus tard, Bruce Springsteen, autre musicien italo-américain et lui aussi lauréat du Kennedy Center Honor : « It’s so hard to be a saint in the city… »
Texte : Frédéric Marty
Photo : Christian Dresse
The Saint of Bleecker Street a été présenté du 12 au 19/02 à l’Opéra de Marseille