Les Clowns par la Cie L’Entreprise
L’art de clo(w)ner la réalité
Si les clowns font souvent leur cirque, ceux imaginés par François Cervantes servent de guides au spectateur pour passer du spectacle à la réalité, et vice-versa.
Avec Les Clowns, nous découvrons les hommes cachés derrière les personnages. Ils sont au nombre de trois, comme autant de temps dans la pièce. Après s’être rencontrés de manière fortuite dans une grotte, Arletti, Zig et Le Boudu se retrouvent dans un rêve de mouche à marier. Au réveil, ils décideront de jouer la tragédie shakespearienne du Roi Lear. Assister à cette aventure nous convie à des allers-retours incessants entre la réalité et le spectacle. Ce sont d’abord des clowns qui jouent des rôles comme de vrais acteurs. A aucun moment, nous ne percevons Catherine Germain (Arletti), Dominique Chevallier (Zig) et Bonaventure Gacon (Le Boudu) derrière les clowns. Ces derniers connaissent même la disposition du théâtre (scène, coulisses), ses techniciens et le système de la billetterie. Le manque de sophistication du décor semble aussi souligner son insertion dans un monde bien réel. Des cartons, joints à l’aide de scotch, servent ainsi à édifier le château du Roi Lear. Faute de moyens humains, seuls le Roi Lear et ses deux filles sont d’ailleurs incarnés par Arletti, Zig et Le Boudu. La pièce (montée) est alors moins perçue par les adultes comme une représentation absurde et ludique de la réalité que comme un élément de celle-ci. Et si les codes du clown auxquels les plus jeunes spectateurs sont habitués ne sont pas pour autant oubliés (déhanchements exagérés, maquillage et costumes de circonstance), ils se voient détournés pour notre plus grand bonheur. Contrairement à l’image donnée par de nombreux cirques classiques, il ne s’agit pas ici d’assimiler les clowns à un trio comique ne formant qu’une seule entité. Chacun a une personnalité et un rôle propre à jouer. Le spectateur est guidé dans cette symbolisation de la différence par des écarts de voix, de taille et de gestuelle. De même, ces clowns ne sont pas enfermés dans une image burlesque. A nouveau, ils sont simplement humains. Et quand la pièce se termine, après être passés de l’ombre de la grotte à la lumière d’une lune, les clowns-acteurs n’ont plus qu’à saluer leur public qui se reconnaît en eux.
Texte : Guillaume Arias
Photo : Christophe Raynaud de Lage
Les Clowns par la Cie L’Entreprise : jusqu’au 27/02 à la Cartonnerie (Friche la Belle de Mai, 41 rue Jobin / 12 rue François Simon, 3e). Rens. Théatre Massalia : 04 95 04 96 06 / www.theatremassalia.com