Le spectateur est un autre chez Seconde Nature
Sujet d’expérience
Organisée à l’occasion du Cinquantenaire des Amis du Théâtre Populaire l’exposition Le spectateur est un autre se place résolument du côté du sujet plutôt que de l’objet. Plus précisément, elle déjoue ces dualités, en choisissant de montrer des œuvres qui placent le sujet (le spectateur) au centre de leurs dispositifs et en mettant en scène un passage entre les arts — théâtre, photographie, arts numériques — qui accélère ce déplacement de l’attention.
Cette exposition s’inscrit dans la cohérence d’une démarche qui est le fruit d’une collaboration entre les Amis du Théâtre Populaire, association de spectateurs qui programment des spectacles, et Seconde Nature, structure culturelle tournée vers les pratiques numériques sous toutes ses formes. Or, avec les arts numériques, notamment dans les installations interactives, le spectateur joue un rôle déterminant dans le processus de fonctionnement de l’œuvre, constituant souvent lui-même un des paramètres. C’est donc avec pertinence que la thématique du spectateur est placée au centre l’exposition. Elle permet de faire le lien entre les deux univers de création et d’explorer d’une façon singulière notre rapport à l’art, en déplaçant notre attention envers les œuvres vers notre accès à elles. Ainsi, la série de photographies réalisées par Ito Josué entre 1948 et 1963 à l’occasion d’une commande de Jean Dasté pour la comédie de Saint-Etienne, intitulée Le théâtre de ceux qui voient, déplace la question du lieu du spectacle, en dirigeant notre regard non pas vers la scène représentée par les acteurs mais vers la scène vécue des spectateurs. Attitudes, comportements, traits du visage et échanges de regards participent à leur appréhension du spectacle et manifestent à la fois leur rapport à l’art, leur présence au monde et leur rapport à eux-mêmes.
Dans l’installation Psychic, l’œuvre n’est ni un spectacle ni un objet autonome qui assigne une place privilégiée et statique au spectateur, mais plutôt le site d’une expérience particulière où s’instaure une communication dynamique entre le dispositif numérique et nos mouvements. L’inversion dont elle procède rentre en écho avec les photos d’Ito Josué : ici, c’est l’œuvre qui « regarde » le spectateur. Toutefois, ce n’est pas le regard qui est montré, mais un texte décrivant la vision de la machine et ses impressions face à notre déambulation. L’expérience qui est en jeu n’est ainsi pas celle de la contemplation, mais celle de la mise en relation d’un humain et d’une entité programmée : en se mouvant, nous nous révélons à cette étrange machine et tentons d’instaurer un dialogue avec elle en cherchant le mécanisme qui préside à sa conception. Mais toute l’ambiguïté est liée au fait que c’est également la machine elle-même (ou plutôt le programme) qui cherche à décrypter notre mode d’être au travers de nos déplacements.
Des photos de Josué à l’installation de Schmitt, l’art nous assigne une place incertaine et nous force à penser notre position : est-ce que je fais moi-même partie du spectacle de l’art ? Qui suis-je lorsque je fais l’expérience de l’art : un spectateur, moi-même, les deux à la fois ? De quelle façon s’approprier cette expérience et de quelle façon cette expérience me transforme-t-elle ? Autant de questions qui se posent avec pertinence au sein de cette exposition.
Le spectateur est un autre : jusqu’au 5/03 chez Seconde Nature (27 bis rue du 11 novembre, Aix-en-Pce). Rens. 04 42 64 61 01 / www.secondenature.org