White Lightnin’ – (G-B – 1h24) de Dominic Murphy avec Edward Hogg, Kirk Bovill…
Danse avec les fous
Accro à l’essence dès six ans, en maison de redressement à huit, en hôpital psychiatrique peu après : Jesco White n’a pas perdu de temps pour se traîner un boulet plus lourd que toute la misère du monde réunie. Il apprend malgré tout le tap dance (équivalent country des claquettes) avec son père, un Virginien simple, pauvre et droit. A la mort de ce dernier, Jesco reprend le flambeau et connaît un beau succès à travers les Etats-Unis… Voilà en gros le synopsis : pas bien fringant et plutôt trompeur sur le contenu. Ajoutons à cela une affiche qui, en filigrane, laisse présumer qu’on va se farcir un Walk The Line 2, le retour, et on réalise à quel point rien n’aide d’emblée ce White Lightnin’, premier film — et superbe réussite — de Dominic Murphy. Inconnu au bataillon, ce cinéaste originaire du monde de la publicité tape fort. Par sa texture plastique ciselée et son côté « grind » et extrémiste, son opus mystique s’inscrit dans la lignée de Darkly Noon ou encore Last House on Dead End Street. D’un point de vue narratif pur, il jouit d’une constance et d’une chronologie particulièrement complexes. Les faits existentiels d’un destin incontrôlable s’enchaînent implacablement, mais laissent d’étranges interstices pendant lesquels la lutte livrée par Jesco White pour survivre pourrait avoir un sens. Mais, quelque part, les jeux sont déjà faits. La voix omnisciente d’un des doubles métaphysiques de Jesco l’a d’ailleurs annoncé en prologue. Les splendides intermèdes optiques d’un prêcheur quasi satanique, les longues pages de silence noir qui ponctuent le film ou encore la métamorphose de Jesco en figure christique malade et vengeresse ne changeront rien à la tragédie de cet Atride errant. White Lightnin’ est une surprise venue d’un autre monde, une œuvre à la densité monumentale sur laquelle tous les amateurs de curiosités esthétiques devraient se ruer car elle risque, hélas, de ne pas rester bien longtemps à l’affiche.
Lionel Vicari