Avec sa « marina olympique » face au Mucem, Martine Vassal met un pied dans la porte du port
La présidente de la Métropole a annoncé vouloir faire une marina olympique entre le Mucem et le J1 pour les JO 2024. Les quais appartiennent au Grand Port de Marseille qui n’a pas mis ce projet à l’ordre du jour. Du côté de la Fédération française de voile, on affirme ne pas avoir forcément besoin d’une telle installation.
« Dans la perspective des JO de 2024, l’éventualité de créer une nouvelle zone maritime entre le Mucem et le J1 semble judicieuse, sur le modèle du port olympique de Barcelone créé pour les Jeux en 1992. » C’est un pavé dans la mare ou plutôt, dans le port, que Martine Vassal a envoyé, la semaine dernière, via un communiqué conjoint de la Métropole et de la Ville de Marseille.
Alors qu’elle rencontrait les représentants du Comité Olympique et de la Fédération de voile, la présidente du Département et de la Métropole en a profité pour réitérer son « idée » de marina olympique piétonne. Dans une interview accordée à La Provence au début du mois, Martine Vassal envisageait d’installer ce projet dans l’enceinte même du Grand Port maritime de Marseille.
« Cela pourrait créer un trait d’union entre les quartiers Nord et les quartiers Sud, pour une cohésion du territoire, tout en proposant une offre commerciale, sportive et culturelle de qualité pour l’ensemble du littoral urbain, du Mucem aux Terrasses du Port », argumente-t-elle encore. De grands arguments pour un grand projet avec lequel le principal concerné — le Port propriétaire — n’est pas très à l’aise.
« Ce n’est pas à l’ordre du jour »
« Je ne ferai aucun commentaire », botte en touche Renaud Paubelle, directeur des infrastructures du Grand Port maritime de Marseille (GPMM). Du côté de son service presse, on explique dans un premier temps que « le directoire est en pleine transition. Il faut donc que tout le monde prenne d’abord ses marques. » En effet, la présidente du directoire, Christine Cabau-Woerhel, est retournée à la CMA-CGM et son successeur, ancien patron du Havre, en cours d’arrivée. Quelques jours plus tard, une réponse vient enfin : « Une étude est en cours sur les aménagements de cette partie du port avec plusieurs acteurs dont la Ville et la Métropole, mais rien n’a été acté. Pour le moment, cette option n’est pas à l’ordre du jour car l’étude concerne le long terme. En ce qui concerne les installations des JO, des choses peuvent être envisagées. »
Même prudence du côté du Conseil de surveillance du Grand Port, qui doit être renouvelé ce mercredi. « Ouh la ! Il va falloir étudier ça, parce qu’il a quand même les bateaux de la Corse qui sont là, prévient Jean-Marc Forneri, son président et candidat à sa propre succession. C’est le rôle des politiques de lancer des idées. Certaines sont faisables, d’autres pas. Maintenant il appartient au port de l’examiner. Je suis pour l’instant très réservé. »
De quoi rassurer un tant soit peu les syndicalistes du port, qui ne voient pas d’un bon œil « l’idée » de la présidente de la métropole. « Il y a assez de kilomètres de côte pour les activités ludiques en lien avec les JO. Mais le développement de l’activité de yachting, la réparation navale, l’activité passager font qu’on ne peut pas sanctuariser ce domaine. On a besoin de ces quais », s’inquiète Pascal Galéoté, secrétaire général du syndicat CGT des agents du port.
Mais, si, du côté du port, on tempère sur cette annonce soudaine faite en pleine passation de pouvoir, côté politique, c’est un véritable front de soutien. « J’y suis favorable, lance Laure-Agnès Caradec, présidente d’Euroméditerranée, qui transforme la partie terrestre de cette zone. Nous avons toujours souhaité ouvrir l’espace du port à cet endroit. L’opportunité des JO permet d’accélérer le processus. »
Depuis 2012, l’évolution des bassins marseillais du Grand Port fait l’objet d’une charte signée par les collectivités et le Port. Elle vise à fixer des objectifs communs, de la Joliette à l’Estaque. Parmi ceux-ci, une plus grande porosité autour de la Joliette en contrepartie d’investissements des collectivités dans des travaux du Grand Port. Le regroupement d’une partie du trafic des passagers vers Cap Janet a reposé cette question de l’ouverture au public des bassins portuaires (lire notre article). Le même débat avait eu cours autour de l’aménagement de l’ancien hangar J1 (lire notre article). Et ce « divorce » entre la Ville et le Port est plus fort encore avec l’opération d’intérêt national Euroméditerranée, dont le périmètre longe le port. Les deux instances sont censées mener une étude conjointe, baptisée « Grande Joliette », destinée à harmoniser les projets.
« C’est le bon moment pour saisir l’occasion »
« L’étude grande Joliette n’est pas encore finie. On nous a présenté les premières esquisses. Cela passe forcément par un travail commun entre le Port, Euromed et la Ville », rappelle encore Laure-Agnès Caradec, qui espère pouvoir ainsi actionner un levier supplémentaire en faveur de l’ouverture.
Au sein de l’équipe municipale, on abonde dans le même sens. « Nous serons plus à l’aise qu’au Roucas où le tirant d’eau n’est pas très profond, poursuit Didier Réault, adjoint au littoral. Et cela permettra de laisser un héritage après les JO. Il faut donc voir quelles sont les relations avec le port et ce que cela peut engendrer comme coût. La Ville n’a jamais caché sa volonté d’ouvrir le port sur le cœur de ville. C’est le bon moment pour saisir l’occasion. » Une occasion qui résiderait, selon tous les intervenants cités ici, dans l’annonce d’une éventuelle épreuve de course au large, qui réunirait des bateaux plus imposants que ceux prévus jusqu’alors.
« Cette décision fait suite à la décision probable du comité des JO de mettre une épreuve supplémentaire de course au large, confirme Dominique Tian, premier adjoint au maire. Entre vingt et trente bateaux, qui pourront aller jusqu’en Corse donc assez gros, devront s’y amarrer. L’idée de Martine Vassal a du sens car ils ne pourront pas se mettre au Roucas. Il ne faut pas perdre de temps et les services de la Métropole doivent s’y mettre avant la décision du comité. »
« Un ponton suffirait »
Contacté, le Comité des Jeux Olympiques de Paris 2024 ne peut pour le moment rien assurer quant à cette course. « Nous prendrons la décision après les jeux de Tokyo [en 2020, ndlr] », nous fait-on savoir au service communication. Mais la proposition, qui vient de la Fédération internationale de voile, a de forte chance d’être acceptée. « En général, le comité suit les demandes de la Fédération. On va dire qu’il y a 80 % des chances que cette épreuve soit validée, précise-t-on à la Fédération de voile. L’épreuve se déroulerait alors en trois jours et deux nuits, avec un départ devant le Roucas-Blanc et une virée à la pointe nord de la Corse. »
Mais la Fédération de voile ne s’est pas vraiment projetée dans un port olympique à la Joliette. « En termes de logistique, c’est une vingtaine de bateaux entre huit et dix mètres, donc un peu plus gros que des dériveurs que l’on peut mettre au sec sur un parking. Mais ils s’intégreront très bien dans ce qui est déjà prévu. On n’imaginait pas une marina immense. » Un rapide calcul permet de définir la place exacte nécessaire à l’accueil de cette épreuve : « Il suffirait d’ajouter un ponton qui ferait trente mètres de long et vingt de large. » Un ponton que la Fédération de voile envisage donc très bien du côté de la base nautique du Roucas-Blanc.
30 millions d’euros déjà prévus
C’est sur cette base municipale que se déroulera en effet l’essentiel des événements. Les aménagements précis ne sont pas encore connus car toujours à l’étude. Un village et une marina olympiques ainsi qu’une immense tribune sur la Corniche y sont, entre autres, envisagés. L’enquête publique sur ce projet a pris fin il y a quelques semaines et les appels à projets devraient bientôt être lancés. Sur plus de six hectares, ce sont 7 300 m² de surface bâtie qui devront être construits ou rénovés.
Financée en majorité par la mairie, l’enveloppe pour ces installations s’élevait dans un premier temps à 22 millions d’euros — plus 3 millions de l’État. Plus récemment, cette enveloppe semble avoir augmenté pour atteindre les 30 millions. « Un plafond que nous ne souhaitons pas dépasser », assurait Didier Réault dans La Provence. Les travaux doivent quant à eux débuter fin 2020, pour une livraison dès 2023, date à laquelle débuteront les épreuves tests préalables aux jeux. Ce qui ne laisse plus beaucoup de temps pour construire un port olympique à la barcelonaise. Et convaincre le Grand Port maritime de le faire sur ses terres.
Violette Artaud