Stand Alone Zone présenté au Pavillon Noir

Stand Alone Zone présenté au Pavillon Noir

Un monde sens dessus dessous

Qui n’a jamais rêvé le rassemblement de tous les arts du spectacle au sein d’une même œuvre ? Bienvenue dans l’univers poétique et introspectif de Système Castafiore.

Stand-Alone-Zone.jpgDans des cités suspendues, où les descendants de la race humaine ont réinventé un langage fait de gestes et de bribes de mots, un enfant est atteint d’un mal étrange. Seule une zone interdite et labyrinthique, située dans le « monde du dessous », pourrait le sauver. Dès le début, le ton artistique transdisciplinaire de Stand Alone Zone est donné. Dans ce spectacle, presque tous les arts sont invités au banquet de la danse contemporaine, à commencer par la bande dessinée, avec un langage tout en onomatopées et des décors à tiroirs. L’architecture d’un Schuiten et l’atmosphère post-apocalyptique d’un Bilal ne sont jamais loin. Côté cinéma, Stalker (Andrei Tarkovski) a nourri l’inspiration de Karl Biscuit. Les dernières technologies numériques permettent quant à elles de diviser le décor en une partie virtuelle, projetée sur un mur incurvé, et une partie réelle, faite d’objets mobiles, pour nous proposer un rêve éveillé et sans limites. Le réel y est malmené par l’alternance de comédiens en costumes et de leurs projections vidéo ; sans compter ces costumes émerveillant les grands enfants que nous sommes. « Ce spectacle est un millefeuille d’humour, de philosophie, de science et d’esthétique, où chacun peut s’inventer des mondes pour mieux réinventer le nôtre. » Reste quelques petits bémols. Dans cet univers foisonnant, un spectateur non préparé à l’histoire est parfois déconcerté, en dépit de quelques repères textuels, et certains tableaux vivants s’avèrent trop courts. Une goutte d’eau, finalement, qui n’aura pas calmé notre ivresse de poésie à l’issue du spectacle. En deux mots : Hips, waouuuh !

Texte : Guillaume Arias
Photo : Karl Biscuit

Stand Alone Zone était présenté du 25 au 27/03 au Pavillon Noir (Aix-en-Provence) dans le cadre des Rencontres du 9e Art


L’Interview
Karl Biscuit

Co-directeur, avec la chorégraphe Marcia Barcellos, de la Compagnie Système Castafiore, Karl Biscuit est revenu au Pavillon Noir pour présenter sa dernière création, Stand Alone Zone. L’occasion de se pencher sur cette compagnie qui prend plaisir à déjouer les codes de l’art avec ses spectacles de danse contemporaine sans étiquette.

Vos spectacles font appel à plusieurs disciplines artistiques. D’où vient ce choix ?
Marcia et moi sommes tous deux élèves du chorégraphe américain Alwyn Nikolais. Très vite, nous avons voulu monter un projet artistique commun et pluridisciplinaire. De là est né le collectif Lolita dans les années 80 puis la Compagnie Système Castafiore en 1990.

2010 marque les dix ans de la Compagnie. Pouvez-vous, déjà, dresser un bilan du chemin parcouru et nous parler de l’esprit de la compagnie ?
Je dirais que le chemin parcouru a eu de multiples moteurs : l’acte de création de la compagnie, la mise à disposition d’un outil permettant de nous implanter (l’ancienne usine Chiris à Grasse) ou encore le travail sur différentes disciplines artistiques sans envisager aucune subordination de l’une sur l’autre. Sans oublier que nous sommes de modestes artistes, nous nous interrogeons sur la cohérence à donner au sens dans un monde de plus en plus complexe. Aussi travaillons-nous beaucoup sur le langage sous toutes ses formes.

Comment percevez-vous la danse contemporaine aujourd’hui et sa place parmi les autres arts ?
La danse contemporaine s’est peu à peu émancipée de l’académisme, de la musique et des formes décoratives. Elle revendique une véritable identité propre, une liberté qui lui permet de catalyser et fédérer d’autres arts, avec des inspirations réciproques.

Quelle est votre approche des relations entre les différentes « pièces » de vos spectacles : œuvre, metteur en scène, danseurs et publics ?
Je diviserais votre question en deux. D’une part, la relation entre spectacles et publics répond à une démarche de création et non de réadaptation d’œuvres existantes. Il n’y a donc pas de référent qui servirait de pont entre artistes et publics. Dans le processus de création, nous nous imaginons ce que nous aimerions voir sur scène en tant que spectateur avec nos préférences, bien sûr, et un sens du métier. D’autre part, dans la sphère même de la compagnie, nous intégrons des personnes aux compétences variées dans un véritable travail d’équipe.

Votre travail est-il affecté par la crise économique et sociale actuelle ?

Il me semble que la culture a commencé à être financièrement fragilisée bien avant cette crise et les risques liés à la réforme des collectivités territoriales. Mais je me dis aussi que cette crise pourrait susciter un nouvel élan de création, un peu comme le rebond qui suit une déception amoureuse.

Quels sont les projets de la compagnie ?
Nous allons continuer à faire tourner notre dernière création et nous nous réjouissons de la création d’un futur grand théâtre à Grasse, de mille places, aux côtés d’une nouvelle structure de création et de résidence plutridisciplinaire d’ici trois, quatre ans. Nous allons d’ailleurs gérer cette structure.

Propos recueillis par Guillaume ARIAS