Nénette – Documentaire (France – 1h10) de Nicolas Philibert
Etre ou ne pas être (humain)
Pauvre Nénette. Certains se moquent de son physique, avec ses seins qui pendent et son goitre proéminant. D’autres interprètent à sa place ses pensées, qu’elle ne peut exprimer par la parole. Imperturbable, elle continue pourtant à boire son thé à heure fixe et à se délecter de ses yaourts apparemment bien appétissants. Mais au fait, qui est Nénette ? Une vieille dame, une personne handicapée ? Que nenni. Du haut de ses quarante ans, elle est tout simplement la plus vieille femelle orang-outan de la ménagerie parisienne du Jardin des Plantes. Et l’on peut dire qu’elle est au poil. L’un des objectifs de Nicolas Philibert, dans ce documentaire, est justement de nous montrer combien cet être vivant est proche de l’homme. Pour cela, le réalisateur utilise un procédé minimaliste : filmer en gros plan Nénette pendant plus d’une heure avec les commentaires de ses visiteurs et de ses soigneurs en voix off. Seul un écran noir vient, par moments, faire respirer un spectateur qui souffre parfois de « monotonite » aigue. Les signes d’humanité que possède ce singe proviennent d’abord d’impressions visuelles, de l’expression de ses yeux à sa façon de manger, en passant par sa moue songeuse de penseur de Rodin lorsqu’elle pose sa main sous son menton. Ce calme méditatif contraste avec le bruit de la foule qui l’observe, volontairement amplifié par Nicolas Philibert. On ne verra d’ailleurs ces visiteurs qu’à travers le reflet d’une vitre. En dehors du rappel de l’enfermement de Nénette, nous pouvons y trouver un autre message, sur nous-mêmes. L’agressivité entourant Nénette ressemble à ce que nous ressentons parfois vis-à-vis de la société de consommation. Les commentaires en voix off sont aussi là pour confirmer certaines caractéristiques de ce singe qui le rendent si familier de ses spectateurs. Ainsi, comme de nombreuses personnes, elle semble avoir le mal de son pays natal, Bornéo, et elle ne devient réellement sociable que lorsqu’elle connaît bien son interlocuteur. Si c’est ce que vous désirez, il vous faudra entrer et passer du temps dans la cage d’une salle de cinéma pour le vérifier.
Guillaume Arias