Festival d’Avignon
L’espoir ne connait pas le futur
Le Festival d’Avignon entame sa septième édition sous la houlette d’Olivier Py, premier artiste à diriger la manifestation depuis Jean Vilar. Paradoxalement, il semble que la programmation se soit assagie dans une forme de polyvalence qui voudrait renouer avec toutes les facettes du théâtre.
Tout est subjectif et devrait le rester dans une liberté de choisir et de délaisser ce qui nous inspire ou nous fatigue. L’harmonieux ne l’a pas toujours été et la culture dominante était autrefois décriée. Alors comment se construit une position et où se place-t-on à l’instant de choisir ? Le théâtre est une réécriture permanente d’une histoire déjà connue (Pelléas et Mélisande, L’Odyssée). Le contre-pied utilise le conte. L’auteur relit l’actualité et revisite l’origine d’une identité perdue (Points de non-retour d’Alexandra Badea). Qui sommes-nous et où allons-nous ? La dramaturgie questionne à l’infini les incohérences et les incertitudes d’une société contemporaine devenue globale (Architecture de Pascal Rambert). L’espace est contenu parce qu’entièrement visité et redistribué. Chacun peut exprimer sa colère par les réseaux sociaux, mais seul le nombre de followers valide une pensée. Ce qui autrefois s’adressait aux individus présents dans une pièce devient désormais une pensée totem résumée à la manière d’un slogan, comme un cri dans une foule sans fin. Le Festival d’Avignon endosse la responsabilité de donner le La sur un style, une ambiance, une certaine idée du temps qu’il fait aujourd’hui. Un besoin du public de faire le point avec ses désirs et d’aller voir une autre idée de la représentation du monde. Pendant longtemps, on a opposé théâtre et télévision. D’un côté un huis clos où l’on déclame et déroule un point de vue jusqu’à son paroxysme, et de l’autre un écran où l’on se vide l’esprit dans une atmosphère consensuelle et bon enfant. Mais ces temps simplistes ont volé en éclat avec l’introduction de l’écran dans la poche du jean. Désormais, je suis spectateur et critique du monde qui m’entoure. Je peux liker et disliker l’actualité, la culture, la mode, ce que je mange. Tout devient extrêmement proche et infiniment lointain, parce mes mains contemplent le vide et mon regard ne trouve pas mon prochain. Partager le théâtre, c’est un désir de rencontre où les corps se frôlent, où les odeurs dans la chaleur de l’été reprennent vie dans une proximité torride (Amitié d’Irène Bonnaud). On échange, on boit, on mange, on rit, on s’ennuie et on revit. La question du corps et de l’espace redevient centrale, elle investit la scène et s’entremêle avec le cinéma dans un aller-retour où la silhouette filmée devient le protagoniste et l’acteur la voix off (O agora que demora de Christiane Jatahy), les champs sont inversés et créent une dissonance chère à l’oralité. Dans un théâtre chorégraphié, la pensée se découpe dans une interrogation formelle qui étire le synopsis et dilue la dramaturgie dans de nouvelles perspectives. Les combinaisons se multiplient, le jeu des positions devient central et nous interroge sur la lecture d’une histoire. À la manière des séries, le théâtre se découpe également en épisodes dans L’Odyssée de Blandine Savetier. La tragédie grecque reste présente, parce que la malice des Dieux nous amuse et nous interroge sur notre condition. Avons-nous toujours peur de l’au-delà, de l’infini, de cette question existentielle sur la taille du petit homme ? Enfin, la question de l’argent et de sa versatilité. Alexander Devriendt propose avec Livre, Yen, Euro, Dollar une pièce interactive dans une expérience du pouvoir qui interroge aussi l’authenticité du bonheur.
Karim Grandi-Baupain
Festival d’Avignon : du 4 au 23/07 à Avignon.
Rens. : 04 90 14 14 14 / www.festival-avignon.com
Le programme complet du Festival d’Avignon ici