Festival Art et Terrorisme à l’Embobineuse
Cas d’havre fumant
Les joyeux drilles de l’Embobineuse ne connaissent guère l’art de l’inclination et ne savent pas être « bon public ». Nous nous sommes demandé si nous pouvions en dire autant, en vous livrant nos impressions de la brûlante première soirée de son festival Art et Terrorisme.
Chaque soirée à l’Embob’ vaut le déplacement, ce que la déco trash jouissive, la programmation pointue et le prix raisonnable des entrées et des boissons ne suffisent pas à expliquer. Il faut plutôt regarder du côté de la connivence entre un public et une équipe pareillement farceurs et fauchés, dans un climat que l’on pourrait qualifier de libertaire. Et s’il est périlleux de faire, au sein même d’une salle de spectacles, la critique du spectacle comme mode de société, ils y arrivent bien souvent et sans effort particulier : en accueillant l’artiste ou l’œuvre avec curiosité et bienveillance, mais sans s’incliner par avance, l’esprit critique ainsi en éveil. Dans ce contexte, le festival annuel Art et Terrorisme (ou comment s’expurger de ses peurs au contact d’artistes performeurs) nous a beaucoup étonnés lors de sa première soirée, samedi dernier. D’abord, avec deux spectacles employant des trisomiques (cirque puis musique). Plus de peur que de mal : des shows carrés, des artistes à l’aise, et rien de malsain là-dedans. Mais entre les acrobaties/clowneries assez classiques, et le blues/funk puis le rap boostés aux décibels et ne laissant qu’à peine percevoir les babillements des chanteurs, on n’aura pu féliciter que les éducateurs, qui ont réussi à rendre le handicap transparent sur scène. Et si l’on a bien sûr applaudi les timides artistes pour les encourager, il faut se rappeler que c’est rare à l’Embob’ où, loin de la Star Ac’, on salue les artistes en sueur et non pas leurs efforts. Tout aussi inhabituel, le happening carton-pâte, production maison écrite par Félix Fujikoon pour cette édition « This is Texas », somme d’intermèdes procédant du joyeux bordel mâtiné 70’s, mobilisait toute l’équipe, nous laissant donc un peu livrés à nous-mêmes. Difficile de ne pas se montrer complaisants devant un spectacle aussi spontané. Mais, avouons-le, si les spectacles de Fujikoon sont d’ordinaire bordéliques et foisonnants, celui-ci ne creusait pas suffisamment son sujet — la critique des westerns et du Texas de la série Dallas, éloges de la loi du plus fort et de la réussite sociale. Mais rassurons-nous : pour la fin du festival à venir, tout rentre dans l’ordre (si l’on peut dire), avec le chamane urbain Ghadalia Tazartès, les divas nippones de Kokusyoku Sumire et les Argentins de Radikal Satan (tango/psyché-rock), en têtes d’affiche de soirées exceptionnelles dans le paysage culturel marseillais, et très certainement bien au-delà.
Jonathan Suissa
Du 23 au 30/04 à l’Embobineuse (11 Boulevard Bouès, 3e). Rens. 04 91 50 66 09 / www.lembobineuse.biz