Georgia Russell à la Galerie Dukan & Hourdequin

Georgia Russell à la Galerie Dukan & Hourdequin

The Pillow Book

Chez Dunkan et Hourdequin, l’artiste écossaise Georgia Russell dissèque des œuvres du passé pour en extraire la substantifique moelle artistique…

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« En vain le scalpel s’est enfoncé dans le crâne humain ; il n’a pu disséquer la pensée qui survit à la tête dont elle est sortie. » (Chateaubriand)
A l’instar du chirurgien qui introduit la lame de son scalpel dans la chair humaine, Georgia Russell dissèque une à une les pages des livres qu’elle effeuille au fil du temps et de son geste. Un geste assuré, qui évoque à la fois la violence et la douceur d’un outil pas anodin ; et si l’artiste troque son pinceau pour un bistouri, c’est bien parce que de ces œuvres émane la même ambivalence…
Traditionnellement, la sculpture est la résultante d’une forme obtenue à partir d’un bloc auquel on a enlevé de la matière. Dans le cas de Georgia Russell, le bloc de départ peut être un livre, une partition, une photo… des objets appartenant déjà au champ de l’art ; la matière première a donc déjà un contenu symbolique et artistique.
La pratique de la réappropriation, que ce soit dans le cas d’un ready-made duchampien, d’un collage cubiste ou de montages surréalistes, aboutit à diverses interprétations dans l’art du vingtième siècle. Pour l’écrivain et critique d’art Nicolas Bourriaud, « cet art de la postproduction correspond à l’annexion par le monde de l’art de formes jusque-là ignorées ou méprisées. » L’acte d’appropriation comme geste artistique représente donc un des fondements de l’art moderne et contemporain. Georgia Russell fait partie de ces artistes qui font de l’existant la matière première de son travail : elle ne détourne pas l’objet ou le contenu de cet objet, mais lui offre une seconde vie sous un autre état, dans un autre contexte, et prive sa forme de départ de son contenu littéraire ou musical pour lui offrir un second souffle esthétique et artistique. Presque comme la moustache que colle Duchamp sur le visage de Mona Lisa, l’impertinence et l’irrévérence en moins et à la différence que tout impertinent qu’il était, Marcel Duchamp n’a jamais dessiné sur la toile peinte par De Vinci… Mais dans le fait de s’approprier l’œuvre d’un autre, il demeure cette idée de sa propre place et de son inscription dans l’Histoire de l’art.
Les entailles faites aux photos, en forme de plumes ou de vaguelettes, attribuent aux œuvres une dimension presque lyrique, nous renvoyant à un répertoire d’images chargées de poésie et de légèreté (la plume, l’oiseau, l’eau). Mais la dextérité ostentatoire évoquant un geste répétitif et un maniement du scalpel scrupuleux leur confère une touche incongrue, issue des « bricolages » dadaïstes, qu’on ne saurait pas vraiment où classer, pour autant qu’il soit nécessaire de le faire…

Céline Ghisleri

Jusqu’au 27/06 à la Galerie Dukan & Hourdequin (83 rue d’Aubagne, 1er). Rens. www.dukanhourdequin.com