*ANNULÉ* Les Rencontres à l’Échelle
Échelle d’une riche terre
Même si, du fait d’un contexte que nous déplorons tous, les Rencontres à l’Échelle ne seront pas vraiment une fête cette année, force est de constater que le feu couvert ici sera fait des braises incandescentes qui font le continent africain.
Oh oui ! Si ce n’est pas tout à fait tambour battant que sera menée la quinzième édition des Rencontres à l’Échelle, ce sera néanmoins avec détermination. Julie Kretzschmar, directrice et co-fondatrice du festival et du bureau de production que sont devenus les Bancs Publics, aujourd’hui résidents de la Friche, nous raconte les coulisses de cette édition forcément particulière. « Ce qui est problématique dans ce contexte de pandémie, c’est la forme même de festival, celle qui nous ferait courir sur trois spectacles par soir. Il nous a semblé inutile de décaler dans le temps, parce que le désir est de toute façon déplacé, le mien, celui des artistes et celui du public », explique-t-elle. Et de poursuivre : « Les trois quarts des productions sont extra-européennes et, sur place, les gens ne peuvent pas travailler ni créer. On s’occupe donc de faire accéder leur laissez-passer, de les aider. Depuis quelques mois, c’est notre quotidien. Alors, pour ne pas annuler ni remplacer ceux qu’on avait programmés, il ne nous a pas fallu que réaménager, mais bien plutôt repenser la façon dont on les invite. Car si les salles ferment, est ce que le travail de l’artiste s’arrête pour autant ? » À n’en pas douter, voilà bien une question passionnante ainsi posée, pour nous qui aimons profondément le spectacle vivant et qui en sommes public. Mais, comme le rappelle Julie, il faut faire avec la réalité. On parle alors du programme des résidences de cette année plutôt que de festival. « Certains artistes n’ont pas pu travailler depuis février et vont se retrouver à faire leur première sur ce temps fort, et malgré l’anxiété, il est essentiel que ce travail aboutisse pour nous tous, que cela soit possible. » Alors, va-t-on voir du spectacle et puisque oui, sauf mesure exceptionnelle de confinement, que va t-on voir ?
La programmation est dense et il sera bien ardu d’y faire ses choix : sur un mois complet et partout dans la ville, ce ne sont pas moins de vingt créations « qui travaillent la question de l’identité et de la filiation, et qui travaillent principalement la légitimité pour parler de soi ou pour parler des autres. » À la lecture du programme, force est d’admirer la militance et la résistance qui ont nourri ces projets : corps racisé avec Moanda Daddy Kamono ; corps féminisé avec Fatoumata Bagayoko, Shaymaa Shoukry, Penda Diouf & Aristide Tarnagda ; corps collectif aussi avec Yves Mwamba, qui puise dans le krump, les danses traditionnelles et l’écriture contemporaine pour « célébrer les mouvements citoyens qui réclament une longue liste de droits. » À l’instar de cette liste, celle des artistes à découvrir l’est tout autant, tellement la scène africaine nous est méconnue ! Il vous faudra donc faire confiance à vos intuitions. Mais, pour jalonner votre parcours, certaines valeurs sûres sont de la partie, comme le chorégraphe Delavallet Bidiefono ou encore Dieudonné Niangouna. Ainsi Gurshad Shaheman qui, telle une Shahrazade affectant l’autobiographie, nous transmet les récits des femmes qui l’ont entouré, ceux de sa mère et de ses tantes quant à leur expérience intime de la révolution islamique, nous contant comment les hommes ont pu devenir des bourreaux domestiques en toute impunité. Dans un tout autre registre, on se passionnera pour Contre-enquêtes, une mise en scène de Nicolas Stemman du texte éponyme de Kamel Daoud, qui nous parle à sa façon d’Algérie et de sa vie post-coloniale. Ou peut-être pour les formes proposées par David Geselson et Yasmina Reggad, qui s’intéressent au même contexte historique de ces pays non alignés.
On vous l’a dit, la liste est longue, et la besace de Julie regorge de pépites. Dans le cadre de la saison Africa 2020, celle qui s’est vue confier la mission de piloter le projet à Marseille a ainsi relevé le défi avec son équipe, celui de permettre tout simplement la vie de ces projets. Gageons que sa préparation minutieuse, faite de voyages, de rencontres, de liens patiemment noués en terre inconnue mais promise, trouve maintenant son public à Marseille, et à votre tour, vous accompagne dans vos élans.
Joanna Selvidès
Les Rencontres à l’Échelle : du 4/11 au 5/12 à Marseille.
Rens. : 04 91 64 60 00 / www.lesrencontresalechelle.com
Le programme des Rencontres à l’Échelle ici