Cercles / Fictions à Châteauvallon

Cercles / Fictions à Châteauvallon

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Quand réalité et fiction jouent en rond

Qu’ont en commun chevaliers et évêques, demandeurs d’emploi et chefs d’entreprise ? Ils existent ou ont existé dans des œuvres de fiction, mais aussi dans le monde réel. Raison pour laquelle ils se côtoient également dans le dernier spectacle de Joël Pommerat.

Quand il ne s’adresse pas aux enfants (Pinocchio, Le petit chaperon rouge…), Joël Pommerat cherche à émoustiller nos sens. Cela commence par des intitulés de spectacle improbables, tels Je Tremble 1 et 2 et, aujourd’hui, Cercles / Fictions. Peu avant le début de la représentation, le public est silencieusement conduit dans les rangées d’une arène. Dans ce dispositif circulaire, qui brise le traditionnel système frontal du théâtre, les comédiens remplacent les gladiateurs des jeux antiques. Ils sont offerts en pâture aux nombreux regards qui les entourent, plongés dans les ténèbres et attirés par un lustre allumé au-dessus de la scène. Le jeu de lumière s’avère d’ailleurs au moins aussi précis que le travail sur le son, alternant bruits de la nature, cris de bébés ou musique douce. Cette musicalité particulière, tout comme les scènes qui s’enchaînent pour mieux se recroiser dans le temps, reflète le fil conducteur du spectacle, à savoir les frontières floues entre la fiction et la réalité. Les allers-retours se font aussi entre l’inquiétant, le tragique et l’humour, dans un univers intimiste où le spectateur se voit même convié à participer à un jeu de théâtre-réalité. Mais Joël Pommerat a aussi les pieds bien ancrés sur terre, comme en témoignent certaines scènes qui nous semblent très familières (un séminaire du Pôle Emploi, un groupe d’amis perdus dans la forêt…). Au jeu de la vie, tel est pris qui croyait prendre : les demandeurs d’emploi confondent réalité et fiction dans une simulation bien réaliste d’un séminaire, tandis qu’un employé attribue à sa promotion une raison magique. Il est donc aussi question de croyance, ce qui pourrait expliquer la présence d’un croisé se confessant à un évêque. Le metteur en scène a pu perdre quelques spectateurs en chemin, tant le spectacle est riche et les décors changés dans le noir sans que l’on ait le temps de respirer. Mais il a réussi à remettre en question nos convictions en démontrant que le théâtre, comme la vie, est un jeu.

Guillaume Arias

Cercles / Fictions était présenté les 15 & 16/10 à Châteauvallon (Ollioules, 83)