Adieu Poupée (La femme sans passé) au Théâtre du Merlan

Adieu Poupée (La femme sans passé) au Théâtre du Merlan

Poupée du dire, poupée de raison

Après Eloge du poil, Jeanne Mordoj revêt à nouveau ses habits de metteur en scène et d’actrice au Théâtre du Merlan pour la pièce Adieu Poupée (La Femme Sans Passé). Où il est question de chiffons, de mémoire et d’humanité dans un spectacle loin d’être cousu de fil blanc.

adieu-poupee.jpgUne scène où des poupées se côtoient dans différentes positions : suspendues au mur, au bout d’un fil, voire entassées au sol. Une voix à peine audible qui nous raconte comment une femme coud des poupées depuis l’enfance. Le spectacle peut commencer. Pendant près d’une heure, un public sagement assis sur des gradins découvre ce qui éloigne ou rapproche l’humain de la poupée. Cette dernière sert de partenaire, idéal dans un premier temps, à la couturière solitaire qui lui parle comme elle s’adresserait à un compagnon, un proche ou un ennemi, selon l’humeur. L’interprétation de son silence est infinie. « Quel imaginaire on sent que vous portez en vous », lancera ainsi Jeanne Mordoj à l’une de ses créatures. Nous apportant, entre amour et complicité rêvés, ce qui nous manque, elles nous évitent le pire, qu’il s’agisse de violence verbale ou physique. Ces bouts de chiffons non vivants, de par leur grande malléabilité, nous rendent libres de danser avec eux, de les habiller et de les maquiller comme nous l’espèrerions d’un partenaire… ou de nous-mêmes. Le personnage incarné par Jeanne Mordoj tentera même de fuir un peu plus son humanité en voulant devenir poupée par mimétisme du corps, grâce à des mouvements désaxés, et par ingestion de poupées. Le moment du retour à la condition humaine est pourtant inévitable. Les difficultés qu’éprouve peu à peu la comédienne pour trouver les mots adéquats décrivant la poupée à qui elle parle, ou ces poupées qui marquent l’écoulement du temps en tombant du mur, sont là pour l’annoncer. Le faux couple comédienne-poupée cache en effet une vraie solitude qui passera nécessairement par un retour au monde des humains. Le passage à l’âge adulte ne se fait-il pas au prix d’un abandon de ses jouets, de ses poupées ? A l’issue du spectacle, pourtant, une impression mitigée se dégage. Entre le ton souvent monocorde de la comédienne et une bande son peu audible, un problème sonore entache la qualité de la mise en scène. Gageons que cette pièce, une fois rapiécée, gagnera en maturité au fil des représentations.

Texte : Guillaume Arias
Illustration : Jeanne Mordoj

Adieu Poupée (La femme sans passé) : jusqu’au 25/11 au Théâtre du Merlan (Avenue Raimu, 14e). Rens. 04 91 11 19 20 / www.merlan.org