Image innée
Depuis 2007, et un coup de foudre pour un lieu de création, David Lynch revient à l’image fixe et crée des lithographies. Le Studio 19 propose à l’exposition — et à la vente — quatorze de ses créations.
David Lynch disait récemment qu’enfant, sa mère le faisait peindre sur des morceaux d’étoffe, et qu’un jour, le destin, sous la forme d’un courant d’air faisant onduler la toile, l’orienta vers l’image en mouvement. Cinéaste, peintre, sculpteur et musicien, David Lynch revient en 2007 à l’image figée. Il répond à une commande d’un grand magasin parisien, sur les vitrines duquel il travaille après la collection Paris suite aux dominantes de rouge, noir et blanc. Cette nouvelle série, I see myself, navigue quant à elle entre noir, blanc et les nuances nées de leur mélange, sur un support papier couleur ivoire. La première chose qui frappe à la vision de ces œuvres, c’est l’importance donnée au concept. On a la sensation que le point de départ en est toujours une idée, plus qu’une urgence ou qu’un sentiment. Et que ce concept traverse plusieurs étapes de réflexion visant peut-être plus à en compliquer ou en enrichir la lecture qu’à l’éclairer. Pourtant, des mots figurent et sont partie prenante des œuvres, non seulement en tant que titres, mais aussi par leur placement ou la forme des caractères choisis, en tant qu’éléments esthétiques et participant du sens qui se dégage de l’impression. Ainsi, dans Insect bites woman, le positionnement des mots sème-t-il une ambiguïté dans la lecture, en laissant ouverte la possibilité de renverser totalement celle paraissant la plus évidente. Esthétiquement abouties — cela va sans dire ! —, plus lumineuses qu’il n’y paraît de prime abord, riches de détails eux-mêmes d’une grande beauté, riches de sens, parfois évidents, parfois faussement évidents, parfois plus longs à se révéler, les lithographies de Lynch sur les thèmes éternels de l’existence, la solitude, soi, l’amour et la mort semblent cependant plus relever du plaisir de faire — le poète est celui qui fait — et du savant calcul que de l’impérieux désir.
Texte : Frédéric Marty
Illustration : Hand of dream de David Lynch
Jusqu’au 31/12 au Studio 19 (3 rue Edmond Rostand / 27 rue Saint Jacques, 6e).
Rens. 04 91 53 35 67 / www.studio19.fr