Sabine Weiss à la Galerie Detaille
Weiss ou l’art du détail
Pour l’inauguration de leur nouvelle galerie, les époux Detaille ont choisi un monument de la photographie humaniste : Sabine Weiss en personne comblera nos regards par ceux portés sur des instants de vies au cours d’une carrière embrassant près d’un siècle.
Soixante-dix photographies (en noir et blanc, de format 30 x 40 cm, avec différents cadrages), comportant toutes la présence d’êtres, tracent le cheminement de cette grande dame discrète, bien qu’officier dans l’Ordre des Arts et des Lettres depuis 1999 et représentée au sein de collections internationales (MoMA(1), Museum of Modern Art de Kyoto, Centre Georges Pompidou, Maison Européenne de la Photographie, entre autres lieux prestigieux)… Mais si peu à Marseille jusqu’à présent. Un manque qui sera donc corrigé grâce à une rétrospective se voulant introspective : l’espace — un écrin de calme où les objets personnels de Félix Nadar susurrent — rassemble des séries de visions où la réalité nous égraine d’intemporelles émotions à partager et dans laquelle s’inscrit l’amour de l’altérité. Or, ces autres en action s’inscrivent dans une sphère à la fois de corrélation et de recueillement sur nos propres authenticités. Les observations sociales et intimes que Sabine Weiss a fixées avec sobriété « pour que s’exprime avec un minimum de moyens l’essentiel de l’homme » établissent un témoignage intense, axé en particulier, dès les années cinquante, autour de la thématique du quotidien : scènes de rue, d’enfants, mouvement, solitude, complicité à deux, atmosphères nocturnes, croyances et portraits jalonneront ainsi l’exposition. Cette dernière est née d’une rencontre : outre les liens et coïncidences avec l’aïeul du photographe Gérard Detaille (Fernand Detaille, successeur de Nadar, également d’origine suisse, comme Sabine Weiss, avait eu pour maître de studio le Genevois Frédéric Boissonnas), le coup de cœur s’explique, selon Hélène Detaille, par l’importance de retrouver une démarche dans « un monde de plus en plus impersonnel où les rapports humains s’effilochent. » Soucieuse, après trente ans d’exploration des archives familiales (plaques de verre, négatifs et tirages par milliers), d’en exploiter la diffusion, elle se dirige vers une vocation désormais plus large, contemporaine et pédagogique, en prévoyant des programmations croisées afin de sensibiliser à l’évolution de la photographie, de dévoiler son fonds, tout en faisant la part belle aux livres et aux artistes. Marseille mérite que l’on défende aussi activement son image, ainsi que son patrimoine d’hier et d’aujourd’hui !
Texte : Marika Nanquette-Querette
Photo : Espagne 1954
Du 26/11 au 29/01/2011 à la Galerie Detaille (5 rue Marius Jauffret, 8e). Vernissage le 25 à partir de 18h30. Rens. 04 91 53 43 46 / www.detaille-photo.fr
Notes- En 1955, Sabine Weiss participa à la célèbre exposition new-yorkaise de Steichen, Family of man, citée par Edouard Boubat : « La photo, c’est aussi l’homme tout “entier”, de face, de profil, de trois quarts, en gros plan, en plan américain, en pied. L’homme dans son champ, dans sa ville, au travail, sur les plages, dans ses rêves. Sa vie, son décor familier : la grande famille de l’homme… » (La photographie, 1985).[↩]