Rencontres d’Arles 2021
Prendre l’air du temps
Pour sa première édition à la tête des Rencontres d’Arles, l’Allemand Christoph Wiesner s’empare de sujets sociétaux incontournables — le féminisme, l’histoire post-coloniale et l’écologie — plaçant ainsi le festival sous le signe de la résistance… mais aussi du réenchantement.
Malgré son thème, la résistance, l’obscur virus aura eu raison de l’édition 2020, pensée par Sam Stourdzé avant son départ pour la Villa Médicis à Rome. Ancien directeur artistique de la foire Paris Photo, Christoph Wiesner reprend le flambeau avec une cinquante-deuxième édition pensée comme « une constellation de lucioles ». Marchant dans les pas de Georges Didi-Huberman et de son livre La Survivance des lucioles, il appelle à ce que cet été arlésien illustre « la diversité des regards, la polyphonie des récits et [symbolise] la survivance à travers l’image des espoirs et des prises de conscience. » D’où les trois sujets principalement développés cette année par le festival, dans « l’air du temps » : le féminisme, l’histoire post-coloniale et l’écologie. Toute convenue qu’elle soit, cette inclinaison ne retire rien à la qualité et au caractère engageant de la programmation de cette édition 2021.
À commencer par Princes de la rue, exposition signée Clarisse Hahn à la Mécanique Générale, au sein du Parc des Ateliers où se trouve la tour dessinée par Frank Gehry. L’artiste s’immisce dans le quotidien des néo-titis de Barbès. À la limite entre le 18e et le 10 e arrondissement de Paris, le carrefour est peuplé de bandes aux aguets, dont les territoires de deal sont limités par les passages cloutés. L’optique de Clarisse Hahn défie donc ces regards eux-mêmes photographiques, captant tout de l’environnement mieux qu’elle : le client, la police, la demoiselle charmante, l’ennemi… Un univers masculiniste qui n’en reste pas moins attendrissant, comme les photographies de Clarisse Hahn le mettent en scène, et qui ne dénote pas avec l’exposition Masculinités également visible à la Mécanique.
Voilà une galante manière de mettre le féminisme à l’honneur, que d’exposer les hommes de 1960 à nos jours. Il est réjouissant de pouvoir apprécier la diversité historique et actuelle des masculinités, à l’heure où elles sont souvent réduites à leur seul aspect patriarcal, ne représentant qu’un seul homme : phallique et gonflé à la testostérone. Et ce à travers des œuvres aussi variées et remarquables que celles de Laurie Anderson, Sunil Gupta, Rotimi Fani-Kayode, Isaac Julien, Catherine Opie, et bien d’autres.
Quittons le Parc des Ateliers, quittons Arles, direction la Bibliothèque du Carré d’Art de Nîmes pour participer aux conversations de Michel Glaize avec Muybridge. Cette exposition correspond à la recette du nouveau directeur, composée de voyages (cette année, une nouvelle collaboration s’ouvre avec la Serendipity Arts Foundation, basée en Inde), d’hommages à l’histoire de la photographie, de création contemporaine et d’ouvertures aux différents médiums. Les Rencontres d’Arles n’ont alors jamais aussi bien porté leur nom !
Romane Charbonnel
Rencontres d’Arles 2021 : du 4/07 au 26/09 à Arles.
Rens. : https://www.rencontres-arles.com/