La Mouche, les taches… au Badaboum Théâtre
De ses propres ailes
Loin de vouloir expliquer la vie à ceux qui commencent la leur, La Mouche, les taches par la compagnie L’Est et l’Ouest est dédiée à l’enfance en abordant un sujet qui leur est propre et toujours d’actualité.
Tandis que les petits spectateurs pénètrent dans le théâtre, elle est, dans sa belle robe blanche, déjà sur la scène qui figure, au dessin, un intérieur immaculé et bien ordonné. Le visage de la comédienne est très mobile et transmet, sans peine, ses émotions, son état, sa vitalité. Elle chantonne en essuyant une tache invisible puis, d’un entrechat, se détourne, ramassant une jupe faite de plumes dont quelques-unes se détachent et volettent dans l’espace. Le monde est-il plus léger sans les mots ?
Une autre présence, un intrus, invisible pour le moment, s’annonce par ce léger bourdonnement caractéristique de plus en plus insistant dont nous avons tous fait l’expérience : il y a une grosse mouche noire dans la pièce, elle me dérange, où est-elle et comment s’en débarrasser ?
S’ensuivent toutes les possibilités d’interactions avec une mouche. Veut-elle l’attraper, l’écraser, essaye-t-elle de parler mouche ? Les petits spectateurs que cet incident amusent beaucoup lui crient en riant : « Elle est là ! Derrière toi ! »
Le festival d’expressions et d’attitudes cocasses de la comédienne fait merveille, communication non verbale pleine d’humour et de poésie, tandis que sa partenaire fait bien plus que manipuler la mouche avec une extrême précision : elle est la mouche, les mouches, par la magie des ombres chinoises. Et quand arrive le moment du contact, du toucher entre ces deux-là, la mouche se met à produire des liquides colorés qui ne s’essuient plus mais s’étalent en de splendides couleurs qui vont peu à peu envahir l’espace : les taches…
L’autre, la mouche, amène de l’organique dans l’intérieur immaculé, aseptisé presque psychorigide, bouleversant l’ordre et le temps, nous faisant entrer dans une autre dimension.
Et cette mouche est musicienne ! Elle adore Le Carnaval des animaux de Saint-Saëns, mélodie qui fait basculer le spectacle dans le merveilleux et transfigure le plateau en un endroit où tout peut arriver.
Car ces taches sont légères comme des plumes, elles se mettent à danser ; un « chaos cosmique » s’installe comme une genèse de l’esprit créatif, de la fête, de la multiplicité des possibles d’une rencontre. On sent une grande et belle complicité entre les deux actrices, tout est fluide et fait sens ; c’est une écriture dramaturgique à quatre mains, sensible et poétique, un spectacle muet plein de sous-textes, un hommage à la vie, aux rencontres et à la création pour les tout-petits mais pour les grands aussi.
Comme l’a dit un spectateur en sortant du Badaboum Théâtre : ça réenchante et ça fait du bien au monde !
Olivier Puech
La Mouche, les taches… : du 7 au 15/07 au Badaboum Théâtre (16 Quai de Rive Neuve, 7e).
Rens. : 04 91 54 40 71 / https://www.badaboum-theatre.com/
Pour en (sa)voir plus : https://lestetlouest.wordpress.com/