Winter’s Bone (Etats-Unis – 1h40) de Debra Granik avec Jennifer Lawrence, John Hawkes, Kevin Breznahan…
Au nom du père
Des chemises à carreaux pour tous, des enfants qui apprennent à tirer sur des écureuils pour mieux les manger ensuite, des bûches coupées à la hache. Bienvenue dans le Missouri pittoresque de Winter’s bone. En dépit d’une douce comptine faisant figure d’entame, le spectateur est rapidement plongé dans un univers poisseux où la tension va crescendo. A dix-sept ans, Ree Dolly apprend brutalement que son père Jessup, dealer notoire fraîchement sorti de prison, a disparu après avoir mis la maison familiale sous caution. Il ne reste alors qu’une petite semaine à la jeune fille pour le retrouver et ainsi éviter que son frère, sa sœur et sa mère handicapée, dont elle s’occupe, ne se retrouvent sans toit. La quête de Ree Dolly est un vrai chemin de croix. On ne sait jamais si chaque rencontre — marquée par un changement de bonnet comme pour repartir à zéro dans ses recherches — la rapproche ou l’éloigne de la vérité. Pourtant, comme l’énonce un des protagonistes du film, « Faut jamais demander ce qu’on donne ». Le spectateur aussi doit se montrer patient et courageux. Il en sera justement récompensé. L’absence de présence humaine, souvent remplacée à l’écran par des images de tôle abandonnée, de jouets désuets ou de nature en friche, donne certes l’impression d’un basculement imminent dans l’horreur. Mais la mise en scène réussit à faire atterrir en douceur cette tension. Le jeu de l’acteur John Hawkes, qui incarne l’oncle de Ree Dolly, n’y est pas étranger. Derrière son inquiétant personnage de drogué pointe une humanité, un attachement aux « liens du sang » qui parvient à toucher le cœur du spectateur pourtant bien accroché. Dès lors, rien d’étonnant à ce que Winter’s bone ait remporté trois prix au Festival de Sundance 2010.
Guillaume Arias